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Quand les touristes quittent Madagascar, leurs valises
sont très souvent chargées de sculptures en bois,
bibelots en palissandre, cendriers ou autres articles utilitaires
en bois noir massif ou même de chaises sculptées
(deux pièces de bois encastrées en forme de "X"
incliné bien connues des amateurs et des catalogues européens
de mobilier exotique). Les Zafimaniry, un peuple de 20 000 habitants
qui vit à 200 km au sud-est de Tananarive, confiné
entre la falaise de l'Est et le plateau Betsileo, sont les artisans
de ces souvenirs appréciés. Le savoir-faire de ces
spécialistes du travail du bois de palissandre a été
déclaré chef-d'œuvre du patrimoine oral et
immatériel de l'humanité par l'Unesco le 7 novembre
2003. Une reconnaissance bienvenue à l'heure où
les Zafimaniry ont de plus en plus de mal à vivre de leur
art et où la forêt dont ils tirent leur matière
première disparaît à toute allure.
90 % de la forêt ont disparu |
Le pays zafimaniry est composé d'une
centaine de villages et hameaux perchés sur des hauteurs
boisées. Un vaste atelier artisanal à ciel ouvert.
Vohitrandriana en est un village typique : juché sur un monticule
d'où il émerge de la brume de la forêt, il est
composé de maisonnettes de bois entièrement sculptées
de motifs géométriques. Fabriquées sans aucune
pièce métallique, elles sont entièrement démontables.
Un Zafimaniry peut ainsi acheter une maison entière pour
la remonter ensuite à un autre endroit. Il y a 40 ans, la
forêt naturelle de cette région était évaluée
à plus de 8000 ha, peuplée d'essences de bois variées.
Aujourd'hui, on estime qu'il ne reste plus que 10 % de la forêt
originelle : cette disparition est directement liée au développement
de l'artisanat régional et au commerce du palissandre. Et
aussi aux défrichages et aux brûlis pour cultiver le
maïs et le haricot que font traditionnellement ces artisans.
Mais ils cultivent peu, vivant surtout de chasse et de cueillette.
Pour acheter du riz et des légumes, ils vendent sur les marchés
des objets d'art ou des morceaux de bois destinés à
la sculpture. La plupart dépendent entièrement de
la forêt pour vivre, témoigne le vieux Rakalavelo :
"Chaque village a sa propre spécialité du travail
de bois. À Vohitrandriana, les hommes sont tous des scieurs
de père en fils. Ils émigrent plusieurs mois par an
partout à Madagascar là où il y a des bois.
Certains possèdent même des tronçonneuses."
Leurs femmes restent au village pour tresser des chapeaux de paille
ou des nattes en fibre végétale. D'autres sculptent
le bois et fabriquent des objets que les collecteurs se chargent
de vendre à Ambositra qui se déclare capitale de l'artisanat
à Madagascar. |
Un art dévalorisé
Mais à l'image de leur forêt, le niveau de vie des
Zafimaniry se dégrade ces dernières années.
"Il y a une vingtaine d'années, confirme le président
d'une association d'agriculteurs, Razafimandimby, les parents
arrivaient à scolariser leurs enfants jusqu'au baccalauréat
. En ces temps-là, la forêt était encore riche
en bois de palissandre et le travail du bois sculpté était
bien payé. Maintenant les ressources forestières
diminuent et les gens manquent d'argent pour envoyer leurs enfants
à l'école". L'important pour eux est que leurs
enfants aillent vite travailler en ville. En outre, ce travail
est bien moins payé : il y a 20 ans, une statuette de 10
cm s'échangeait contre 25 mesures (kapoaka) de riz blanc
; actuellement cette même statuette vaut à peine
deux mesures de riz. Pour Patricia Rasoazanamalala, de la direction
du Patrimoine du ministère du Tourisme et de la Culture,
"ce sont les boutiques spécialisées d'Ambositra
qui profitent le mieux des objets d'art, car elles commandent
à bas prix des objets grossiers, non finis aux Zafimaniry.
Après, les boutiquiers font assurer les finitions et récoltent
les bénéfices". Cette pauvreté croissante
pousse les jeunes à quitter le pays ce qui remet en cause
la transmission de ce savoir ancestral. Afin de préserver
ce qui reste de forêt, la population de Vohitrandriana,
sensibilisée par des Ong, a mis en place un pacte social
pour gérer la vingtaine d'hectares déclarée
protégée. La coupe sauvage y est interdite tandis
qu'on crée des pépinières pour replanter
des arbres. Comme ailleurs dans la Grande île, la Gestion
locale sécurisée (Gelose) est en train de se mettre
en place dans le but de rendre les communautés locales
responsables de la gestion de la forêt qui les fait vivre.
Dans un souci de diversification des revenus, certains misent
sur le tourisme ou sur la production de rhum artisanal pourtant
réprimée par la loi. Enfin, pour d'autres, la solution
la plus réaliste est de former les Zafimaniry à
l'élevage et l'agriculture. Mais pour sauver leur art,
ils auront besoin de plus. Le maire de la commune d'Antoetra,
la seule accessible par une route secondaire, attend les retombées
économiques de la décision de l'Unesco. "La
population, dit-il, espère bénéficier de
contributions extérieures pour l'aider à préserver
le mode de vie basé sur les ressources naturelles. Et pour
léguer son patrimoine aux futures générations".
Selon la Direction du patrimoine, les Zafimaniry vont sûrement
être aidés, en particulier pour créer un syndicat
d'artisans et mettre en place une centrale d'achat pour le bois
source http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=3664 |