La tradition confrontée au mode de vie
occidental
En Imerina, comme partout à Madagascar, la famille est
la cellule sociale, garante de l'ordre établi, humain ou
divin, autrement dit, de la tradition. Selon le Pr Gerald Donque,
en 1968, la religion ancestrale croit en l'existence d'un Dieu
créateur (Andriamanitra, Andriazanahary) "qui s'est
désintéressé de sa création"
et de dieux secondaires- "qui interviennent constamment dans
l'action des hommes" ("Vazimba", fétiches
ou idoles, ancêtres (Razana)...) à la puissance extraordinaire.
Ce sont ces divinités qui gardent l'ordre établi
et punissent ceux qui le transgressent. Elles mêmes sont
protégées par toutes sortes d'interdits (fady) intangibles,
dont la violation entraîne une sanction sévère.
"Ainsi sont limitées l'initiative et la liberté
des humains, aussi bien dans le temps (jours fastes et jours néfastes)
que dans l'espace (lieux sacrés) et le comportement (interdictions
ou obligations diverses)".
L'importance de la famille, principale garante de cette tradition,
se concrétise dans le tombeau familial, qui joue un très
grand rôle dans le "comportement psychosociologique
des Merina" et polarise leurs activités. La construction
d'un tombeau est la première chose faite, dès que
l'on amasse un peu de richesse. On veille à son entretien.
Autour de lui, s'organisent les cérémonies qui marquent
le devoir respectueux des vivants envers leurs morts, et notamment
le "famadihana", retournement périodique ou translation
des restes mortuaires, qu'on enveloppe à l'occasion de
nouveaux linceuls.
La grande masse des Tananariviens, malgré l'éclatement
des cadres traditionnels du monde rural, le progrès de
l'instruction et l'individualisme, demeure fidèle à
ses coutumes (fomba). Mais "des distorsions se produisent
souvent entre les nécessités de la vie moderne et
les habitudes morales ou matérielles héritées
du passé et génératrices d'inconvénients
parfois graves".
Entre autres : un certain absentéisme dans le travail,
provoqué par la multiplication des obligations et des cérémonies
familiales de toutes sortes; l'endettement avec recours à
l'usurier, pour satisfaire aux dépenses sociales ou familiales
imposées par la tradition "ce qui s'ajoute à
celui dû au désir de participer aux commodités
de la vie matérielle moderne: achat à crédit
d'auto, de postes à transistors..."; et enfin, la
limitation de la liberté individuelle.
Certains Merina essaient, sans renier le passé, d'adapter
la mentalité et le comportement traditionnels aux exigences
du monde contemporain, tandis qu'un petit nombre estime même
"que l'on doit faire table rase de la tradition, si l'on
veut avancer" (B. Razafimpahana, "Attitude des Merina
devant la tradition ancestrale", 1967). En fait, pour une
minorité la classe aisée, en général,
le mode de vie occidental et les coutumes qui s'y rattachent sont
totalement adoptés. Par contre, pour la grande masse, la
tradition continue à être la règle de vie.
Celleci se traduit sur de nombreux plans. D'abord, dans la vie
quotidienne : "manger accroupi au sol, port du lamba chez
les femmes, du malabar chez les hommes, absence de chaussures,
souhaits et répliques stéréotypés
à toute occasion". Ensuite dans la mentalité
: "nostalgie d'un passé plus ou moins idéalisé
et représenté comme l'Age d'or, discrétion
parfois assimilable à de la passivité ou de l'indifférence,
respect d'autrui et plus encore des personnes âgées,
dont les paroles et les actes sont forcément bons et vrais...".
"Un des aspects les plus intéressants de ces croyances
est la persistance des cultes traditionnels, malgré l'appartenance
de leurs fidèles au christianisme". Ces cultes se
déroulent en certains lieux, autour d'une pierre, d'un
arbre, d'une source, considérés comme sacrés,
souvent réputés comme sacrés, souvent connus
pour abriter des "Vazimba" ou les mânes d'ancêtres.
C'est là qu'à diverses périodes, des sacrifices
ont lieu "le sang ou la graisse d'une volaille servant à
oindre la pierre, par exemple", des offrandes sont déposées
(miel, fruits, pièces de monnaie...), "des danses
et des chants accompagnés de gestes et de postures empruntés
aux religions s'y déroulent...".
Selon toujours Gerald Donque, ces cultes sont assez mal connus
(des Etrangers) car ils ne comportent ni clergé ni édifice.
Les fidèles au nombre indéterminé aussi,
"catholiques ou protestants par ailleurs", appartiennent
surtout "aux couches les plus frustes" de la population.
Les environs immédiats d'Antananarivo recèlent
un assez grand nombre de lieux de culte traditionnel. Tels Ambohimanga,
la ville sainte d'où Andrianampoinimerina est parti à
la conquête de l'Imerina, Andriambodilova et Andranoro,
près d'Ambohimanarina, où se rendent des oracles,
Ankatso, près du campus universitaire...
source L'Express Pela Ravalitera |