L’importance des chiffres dans la construction
de l’habitat
Très attaché au culte des ancêtres, le Malgache
respecte dans tous les domaines les interdits (fady) et les coutumes
que lui lègue la tradition. La construction de l’habitat
n’échappe pas à cette règle et obéit
à un certain nombre de lois.
Sur les Hautes-Terres, en particulier en Imerina, avant le XIXe
siècle, la case traditionnelle est implantée de
façon rigoureuse selon un axe Nord-Sud tournant le dos
aux alizés qui apportent les pluies du Sud-est. Elle est
pourvue d’ouvertures, une porte et une fenêtre sur
sa façade ouest.
La négligence de ce principe qui repose en partie sur une
logique climatique, exposerait le propriétaire aux ennuis
les plus graves. « Celui qui placerait la porte de la case
au sud, deviendrait sorcier, à l’est verrait sa femme
mourir, et au nord attirerait la foudre. » Jean-Pierre Testa
de l’École nationale supérieure des Beaux-arts
de Paris (1971) poursuit dans une étude sur l’habitat
en Imerina, que cette implantation, invariable en Imerina, peut
être différente dans d’autres régions.
En effet, les implantations progressives au bord de la route modifient
l’orientation et, en général, les jeunes citadins
transgressent ces règles.
La case traditionnelle est divisée en douze parties correspondant
aux douze mois lunaires, avec quatre phases-mères et huit
phases-enfants à chaque mois. Celui-ci tient une place
particulière et a une vocation particulière. Les
quatre phases-mères se trouvent aux angles et les huit
autres sont disposées par deux le long des murs.
Le « Mpanandro » (astrologue), en tant que détenteur
des secrets des coutumes, est consulté avant la construction
par le Malgache attaché aux traditions. Respecté
et écouté, il indiquera l’emplacement, l’orientation
et les dates à respecter pour la construction. «
Moins puissant à la ville, il a, à la campagne,
une très grosse importance car il st consulté sur
tous les sujets, cérémonies, constructions. »
La construction de la maison est astreinte à de nombreux
« fady », d’abord au niveau des jours. Le premier
jour des 3e, 4e et 5e mois lunaires, en principe, sont particulièrement
recommandés pour commencer les fondations d’une maison
comme pour en prendre possession.
En revanche, il est « fady » de commencer une construction
le mois d’Alahamady « sous peine de ne pas atteindre
la vieillesse ». Les mois d’Adaoro aussi, car on aurait
peu de prospérité, et d’Adizaoza où
l’on s’expose à mourir jeune. Faire une fondation
en Alahotsy enlèverait toute chance de devenir riche. Pénétrer
dans la nouvelle maison un dimanche, est une menace de pauvreté.
Bâtir une maison en Alakarabo donnerait des enfants jumeaux.
Enfin, on ne débutera la construction ni occupera une maison
le jeudi.
Si elles sont aujourd’hui tombées en désuétude,
les règles sur les matériaux de construction sont
autrefois très strictes. Ainsi, les bois interdits sont
le « vitanina » et l’ « amontana »
qui attirerait la foudre, l’ « aviavy » qui
entraînerait une mort précoce, le « tambitsy
» qui anéantit la descendance. En fait, ces arbres,
notamment, l’« amontana » et l’«
aviavy », sont nobles. D’autres sont à usage
bien défini. Les « merana » servent à
former les poteaux et les piliers d’angles, les «
varongy » pour les poutres d’une seule pièce.
Dans certaines régions, l’usage de la terre est «
fady » ; la coupe des roseaux et d’herbes (bozaka)
pour la confection des toitures se fait à une époque
bien précise ; la pose de la première touffe d’herbe
sur le pignon nord-est est faite par la mère de famille.
Les nombres comptent aussi beaucoup pour les Malgaches, en particulier
dans la construction. Un chiffre impair signifie qu’un développement
est possible, car les mesures impaires ne sont pas définitives
et la maison s’améliorera. « Les dimensions
d’une maison sont des nombres impairs, ainsi que les nombres
de poteaux de madriers constituant les parois ou les assises successives
des murs de terre. »
Au début du XIXe siècle, le bois, rare et précieux
sur les Hautes-Terres, est un matériau réservé
aux classes riches et nobles de la société merina.
Cette pratique qui met en relief le rang social, est consacrée
par le roi Andrianampoinimerina qui réglemente la
construction dans la ville haute (division en quartiers, interdiction
d’employer la terre ou la pierre pour les cases nobles).
Les cases sont bâties de manière approximative sur
le même plan et, selon la méthode traditionnelle,
seules les dimensions et la qualité de la construction
varient.
La case est alors constituée de trois poteaux principaux
soutenant le faîtage d’une charpente, faite de chevrons
qui prennent aussi appui sur les poutres de rive. Les murs sont
constitués de madriers verticaux assemblés par rainures
et languettes, quatre piliers d’angle assurent le contreventement
général. La toiture de chaume (bozaka) à
pente assez importante, est surmontée de deux tiges en
V au sommet de chaque pignon. Ces tiges- dont la hauteur indique
le rang social du propriétaire- semblent être le
prolongement de la coutume de suspendre à ce même
endroit un crâne de zébu.
L’orientation et l’agencement intérieur correspondent
à la tradition astrologique qui se perpétue et que
l’on retrouve encore dans les usages des Hautes-Terres.
Si la coutume et les interdits imposent l’orientation des
ouvertures à l’ouest, elle coïncide avec la
meilleure orientation géographique, la façade ouest
étant la mieux protégée des vents, pluies
et tornades venant de l’Est.
« Les exemples de case traditionnelle de bois sont très
rares, seuls nous restent les édifices royaux qui ont fait
l’objet de différentes restaurations et ont conservé
leur caractère original. »
Pela Ravalitera
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