Manakara, la ville créée grâce
à la FCE
La ligne des chemins de fer FCE reliant la ville qui se
transforme (Fianarantsoa) à la ville qui se crée
(Manakara) s'ouvre définitivement au public le 1er
avril 1936. Durant le voyage inaugural, partant des Hauts-plateaux,
traversant les forêts de l'Est pour aboutir à
la mer, le train va du pays betsileo par le pays tanala
au pays antemoro. À cette époque, Manakara
est encore une ville provisoire où l'on arrive par
une piste qui « entre mer et lagune », circule
à travers les sables ou au milieu d'un parc dont
on ne sait s'il a été arrangé par l'homme
ou s'il est le fait de la nature (Robert Boudry).
Au sud, à l'embouchure de la Manakara, on aperçoit
tout d'abord à travers un rideau d'arbres, l' «
Imerina » qui vient de s'échouer perpendiculairement
à la côte; comme au nord, la « Ville
de Djibouti » drossée par un cyclone se dresse,
« vaisseau fantôme posé sur la plage
et qu'on dirait à quai ». Une bande de sable
légèrement surélevée, plantée
de filaos et surmontée de cases dessine une demi-lune
entre la rivière calme et la mer toujours agitée.
C'est là que s'élève la ville provisoire.
On y entre par un pont de bois branlant pour se trouver
au milieu de cases battues par les vents et la pluie, dont
certaines se sont effondrées, tandis que d'autres
demeurent de guingois. Des sacs de terre (ou de sable) alignés
sur les tôles, protègent les toits contre les
coups de vent.
Quelques établissements de commerce, une poste, le
bâtiment des travaux publics et des hangars, la résidence
du gouverneur de la Reine dont la mer a rongé les
ferrures et brisé l'armature de ciment et qui n'est
plus habitée, composent toute la ville « ici
et là, des amoncellements de rails et de traverses
de chemin de fer, des matériaux d'être employés
».
Au sud, s'étend le vieux village indigène,
rangé de part et d'autre d'une large avenue de sable,
au pied d'une église de bois fixée par des
contreforts et attachée par des chaînes. Un
clocher carré fait de bidons de ciment déroulés
et couverts de rouille et de résidus de goudron,
la domine. Plus au sud, avant d'atteindre l'hôpital
enfoui sous des arbres « arasés » par
le vent, on voit une tombe très simple entourée
d'une barrière de bois qui s'effondre un peu plus
à chaque saison des pluies. C'est celle de Batut
J.A.C., conducteur des TP mort le 25 août 1922 en
mer, « victime du devoir ».
Avec l'arrivée du train, une ville moderne apparaîtra.
Les cases délabrées qui ont bordé la
rivière disparaîtront; un nouveau pont en ciment
reliera la ville provisoire à la gare; l'église
ne sera plus enchaînée et l'hôpital sera
transporté sur le plateau. Une poste toute neuve
s'élèvera et la résidence réparée
sera de nouveau habitée. Mais l' « Imerina
» sera toujours là, battu sans cesse par la
houle.
Les travaux du port commencent par la construction d'une
digue. De là, le sol monte en pente insensible vers
le plateau où devra s'étendre la nouvelle
« Manakara ». Mais en attendant, dans l'unique
rue bordée des cases du village indigène,
les femmes entourent la fontaine pour remplir leurs bidons
de fer-blanc, tandis que la vie de quelques étrangers
résidents ou de passage, se concentre à l'hôtel
de la Compagnie commerciale du Betsileo qui fait contraste
avec les cases de bois, survivance du passé.
Manakara se trouve dans l'axe économique et géographique
des régions dépendant du Betsileo, à
savoir le pays tanala, les anciennes provinces de Mananjary,
de Manakara et de Farafangana. Les possibilités du
pays betsileo qui possède la fertilité des
terres et les hommes, sont immenses. Déjà,
on parle des villages tanala qui, depuis la construction
de la ligne, s'établissent dans les environs de la
voie ferrée, peuplant et défrichant un désert
de végétation. On pense aussi aux exportations
de produits riches, de café surtout.
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