| Le sens profond de certains mots malgaches Dans des Notes de philologie, l’académicien Clovis 
                Ralaivola explique l’origine et le sens de quelques mots.
 Il cite, par exemple, les mots « manga » et « 
                fotsy ». La couleur bleue, « manga », est, dit-on, 
                en honneur à Madagascar. Aussi sert-elle à qualifier 
                l’élite, « olomanga » (hommes bleus) 
                ou la belle voix, « manga feo » (voix bleue). Des 
                pourparlers positifs sont des causeries bleues, « manga 
                ny resaka ». Un quartier ou un village exposé au 
                bon vent s’appelle « mangarivotra » (vent bleu), 
                bel air.
 Selon l’académicien, cette couleur marque aussi l’habileté 
                ou la force, comme « omby manga » (bœufs bleus), 
                les bœufs sauvages, « diamanga » (pas blancs) 
                coups de pieds, combat typiquement malgache. La « baguette 
                magique » et les plantes médicinales se traduisent 
                par « hazomanga » (baguette bleue, plantes bleues). 
                La capitale malgache s’appelle jadis
 « Analamanga » (forêt bleue), sans oublier le 
                village du grand roi Andrianampoinimerina, Ambohimanga (mont bleu). 
                Parfois, les stars de la chanson malgache sont appelées 
                « voromanga » (oiseaux bleus).
 En revanche, la couleur blanche (fotsy) est péjorative. 
                Une personne dont la voix est désagréable, est dite 
                « fotsy feo » et celle qui aime passer son temps chez 
                sa voisine au lieu de s’occuper de son foyer, est qualifiée 
                de « fotsy varavarana » (elle a la porte blanche). 
                Un enfant qui ne suit pas les conseils de ses parents, « 
                blanchit» les paroles de ceux-ci, « mamotsifotsy ». 
                Et ses parents non écoutés « parlent avec 
                la salive blanche », (« fotsy rora miteny»); 
                leur parole est alors dite blanche, « fotsy teny ». 
                On dit de ceux qui se couchent sans manger, qu’ils « 
                se couchent à blanc », « mandry fotsy » 
                et qu’ils ont « l’intestin blanc », « 
                fotsy tsinay ».
 C’est pour cette raison que la couleur blanche ne sert pas 
                à composer des noms propres, sauf dans Rakotofotsy, de 
                plus en plus rare, et Rafotsy qui sert à désigner 
                une vieille femme quelconque. Des noms de quartiers ou de villes 
                tels qu’Ankadifotsy, Ambohipotsy, Ambatofotsy, Antanifotsy 
                sont dus à la présence de terre blanche (tany fotsy) 
                ou roche blanche (vato fotsy).
 Clovis Ralaivola cite également Ramatoa, Madame, qui se 
                décompose en « rana », en Indonésie 
                princesse, et en « matoa », majeur.
 « Par la chute de na, elle est devenue ramatoa. L’amputation 
                phonétique de la même syllabe se retrouve dans l’équivalent 
                du même mot pour l’homme, Andriamatoa, Monsieur, lequel 
                est formé d’andriana et matoa (le prince majeur). 
                »
 D’après l’académicien, le mot « 
                rana » est en usage chez les Betsimisaraka dans « 
                ranavavy » pour désigner une femme d’un certain 
                âge. Il entre aussi dans la composition du nom de reines 
                de Madagascar, qui est Ranavalona,
 « Rana voalohany » (princesse sans précédente). 
                L’évolution phonétique réduit « 
                voalohany » à « valona » qu’on 
                retrouve dans le nom d’un souverain malgache, Andriamasinavalona 
                (Andriana masina voalohany), le premier prince sacré. « 
                Valona ne s’expliquerait pas autrement. »
 Autre mot présenté par l’académicien, 
                « fanala » ou la gelée blanche. Selon lui, 
                sa signification contredit son étymologie. En effet, « 
                fanala » se décompose ainsi : « fana » 
                (chauffage, cuisson), « ala » (forêt). À 
                l’origine de cette image de brûlure est la formation 
                de
 « fanala » pour désigner la gelée. De 
                là, l’adjectif « mamanala » (qui chauffe 
                la forêt) et qui signifie, en fait, gelé, glacé.
 Un autre terme, « borizano » a renié « 
                sa signification d’origine pour prendre le sens opposé». 
                « Borizano » est la malgachisation du mot français 
                « bourgeois », devenu populaire en Imerina lorsqu’en 
                1810, Radama Ier procède à la réorganisation 
                du service militaire qui embrigade la classe des riches ou bourgeois. 
                En un second temps, « borizano » sert à désigner 
                les non-militaires ou civils. Par la suite, il sert à appeler 
                les porteurs de « filanjana ». Et de nos jours, il 
                désigne les manœuvres en général. C’est 
                ainsi que sa signification actuelle est diamétralement 
                opposée à celle de son origine. Sur la côte,
 « borizano » désigne les originaires de l’Imerina 
                et, par conséquent, est synonyme de « hova ».
 Enfin, le taureau, « ombalahy » ou plus exactement 
                « ombilahy», est à Madagascar la marque du 
                courage et du génie. Des souverains malgaches, seul Andrianampoinimerina 
                est appelé « ombalahibemaso » (le taureau aux 
                gros yeux) parce qu’il dépasse tous les autres en 
                sagesse et en puissance. « Bemaso » (gros yeux) y 
                est ajouté pour qualifier sa force d’intelligence. 
                Avec de gros yeux, il voit plus vaste et plus loin.
 Les canines sont appelées « ombalahinify » 
                (taureaux des dents) parce qu’elles sont plus longues et 
                plus pointues que les autres dents. On dit de quelqu’un 
                qui se distingue par son courage ou son savoir-faire, un champion, 
                qu’il est un taureau « ombilahy » ou « 
                jaolahy », mot qui signifie également taureau en 
                dialecte côtier.
 « Omby », le même animal châtré, 
                symbolise la stupidité, l’ignorance. On dit de quelqu’un 
                qui agit sans intelligence ou qui fait montre d’imbécillité 
                ou d’une grande maladresse qu’il agit comme un bœuf, 
                « miasa ohatra ny omby », ou qu’il est un bœuf, 
                « olona omby », « ombin’olona ». 
                Pour terminer, une expression de mépris : « lehibe 
                foana ohatra ny omby » (gros mais bête comme un bœuf).
 
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            | Des interdits sur les noms propres 
                qui en font une langue pleine de poésie...De tout temps, à Madagascar, le nom d'un futur nouveau-né 
                est le fruit d'une recherche qui, parfois, dure tous les mois 
                de grossesse. Et de tout temps, à Madagascar, les noms 
                de personnes sont presque toujours formés par la composition 
                de mots pris dans l' usage courant, afin qu 'ils aient une signification.
 Dans certaines régions, la tradition interdit l'emploi, 
                après la mort du souverain ou d'un chef important, des 
                mots qui entrent dans la composition de son nom, parfois même 
                de ceux qui ont une sonorité trop rapprochée. D'autant 
                que pour qu'il n'y ait pas d' ambiguïté et que l'usage 
                soit le même pour tous, les interdits sont proclamés 
                en public, au moment de l'ensevelissement du défunt et, 
                en même temps, les nouveaux mots à utiliser sont 
                indiqués.
 Selon J. Dez, cet usage est pratiqué en pays bara et betsimisaraka, 
                mais surtout chez les Sakalava. Le mot substitué est, en 
                général, constitué grâce aux très 
                grandes possibilités de la langue malgache par le procédé 
                de la dérivation d'une racine, déjà connue 
                et utilisée, donnant un mot caractérisant, en fait, 
                un aspect ou une qualité de la chose précédemment 
                désignée par le mot interdit.
 C'est ainsi qu'après la mort de la reine Tsiomeko, à 
                Nosy Be, dans le courant de la première moitié du 
                19e siècle, l'emploi de la racine "ome" (action 
                de donner) et de ses dérivés est interdit dans la 
                région. Il est alors décidé que la racine 
                "tolotro" (action d'offrir- tolotra en merina) lui sera 
                substitué dans tous ses emplois.
 Comme, par ailleurs, l'usage du nom du feu (afo) a déjà 
                été "fady" et que le mot "mahamay" 
                (qui brûle, brûlant) lui a été substitué, 
                il n'est plus d'usage de dire "omeo afo aho" (donnez-moi 
                du feu), mais "tolory mahamay aho" (offrez-moi quelque 
                chose qui brûle, de brûlant), dans l'espoir de rendre 
                le même sens. "Cette nouveauté est incompréhensible, 
                sans apprentissage, même pour un Malgache d'une autre région".
 "De tels usages ont été, évidemment, 
                dans les régions où ils furent pratiqués, 
                de nature à entraîner une diversification du vocabulaire, 
                sans que pour autant la structure fondamentale de la langue ait 
                été modifiée".
 Ainsi, il est possible de remarquer que, dans la région 
                d'Antsiranana, on traduit l'eau (rano) par "mahetsaka" 
                (qui désaltère); ailleurs, "fanjava" (ce 
                qui éclaire) pour la lune (volana); autre part, "fandroaky" 
                (ce qu'on chasse) pour signifier le chien (amboa, alika). mais 
                cela ne nuit en rien à l'unité de la langue.
 Parallèlement, dans tout Madagascar, il existe des vocabulaires 
                spéciaux usités à l'occasion de certaines 
                relations sociales et ceux utilisés à l'occasion 
                de certaines pratiques ésotériques.
 Dans le premier cas, on peut citer en pays antanosy, l'emploi 
                du mot "fandia" pour désigner le pied du chef, 
                le mot "tongotse" étant d'usage commun; ou le 
                verbe "mikama" pour désigner le chef en train 
                de manger, le verbe "mihina" étant aussi d'usage 
                courant...
 En pays sakalava également, on constate l'introduction 
                de vocabulaires spéciaux, tels que "zomba" à 
                la place de "trano" (maison), tiré du swahili 
                "dijumba", "kabeso" à la place de "loha" 
                (tête), pris au portugais "cabeça", ou 
                "tezetse" (en colère) à la place de "meloky", 
                dérivé du merina "tezitra".
 A préciser que, si en pays bara, on utilise "kabeso" 
                pour la tête, le mot "loha" a "une signification 
                nettement injurieuse".
 Dans le deuxième cas, il s'agit de mots utilisés 
                à l'occasion des pratiques de divination. "La pratique 
                du "sikidy" s'accompagne de l'emploi de termes particuliers, 
                d'origine arabe comme le nom même de la pratique". 
                La raison en est, évidemment, de ne rendre la pratique 
                intelligible qu'aux seuls initiés. Cependant, il est remarqué 
                que certains mots de ce vocabulaire intègrent le langage 
                courant.
 Ainsi, en "sikidy", par exemple, on utilise le mot "tale" 
                pour désigner le consultant. Mot devenu usuel dans les 
                relations entre particuliers dans l'Ouest et le Sud pour désigner 
                l'homme, surtout le chef. Ce dernier sens vient du fait que dans 
                la disposition des figures du sikidy, celle qui représente 
                le consultant est numérotée comme étant la 
                première. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'en merina, 
                l'usage du mot se développe pour désigner certaines 
                personnes détenant direction et responsabilité.
 Des mots venus d'ailleurs La langue malgache s'enrichit beaucoup avec des emprunts, bien 
                qu'on ne sache ni les raisons qui le motivent ni celles de la 
                grande diffusion de certains mots à l'intérieur 
                de l'Ile.
 En tout cas, il est certain que tous les peuples navigateurs ayant 
                eu des contacts avec Madagascar, ont laissé dans sa langue- 
                ou dans ses dialectes- des traces de leur passage. Même 
                si on ne sait en quelle région l'emprunt s'est fait- "C'est 
                le cas des noms d'animaux domestiques d'origine bantoue"- 
                ni par quelles voies il s'est répandu.
 Parfois, cependant, on peut situer et dater l'emprunt. C'est le 
                cas d'un certain nombre de mots d'origine anglaise ou française 
                qui, introduits dans le vocabulaire merina au 19e siècle, 
                sont ensuite diffusés à partir d'Antananarivo dans 
                les différentes régions del'Ile. Il s'agit là 
                d'emprunts de grande diffusion.
 Certains sont restés localisés à certaines 
                régions. Ainsi selon J.Dez, le mot "motro", usité 
                dans le dialecte sakalava du Nord-ouest pour désigner le 
                feu (afo en merina), décèle un emprunt au swahili 
                "mutu". Mais "les emprunts à cette langue 
                se retrouvent plus fréquemment en pays antakarana, sakalava 
                du Nord-ouest et en divers points de la côte Ouest".
 De la même origine, le terme "mahigo", employé 
                chez les Sakalava pour désigner le manioc (mangahazo en 
                merina). S'il est parfois difficile de situer dans le temps les 
                emprunts au swahili, "on peut néanmoins affirmer que, 
                pour ce dernier mot, l'emprunt remonte à environ 400 ans 
                (16e siècle puisque le manioc a été introduit 
                par les Portugais, en provenance du Brésil, sur la côte 
                orientale de l'Afrique").
 Sur la côte Est, on remarque dans le langage courant des 
                mots d'origine française, "quoique les habitants les 
                considèrent bien de chez eux. Ces mots sont si bien entrés 
                dans l'usage que les mots merina correspondants sont mal ou pas 
                du tout compris". Ainsi, en pays betsimisaraka du Sud, le 
                haricot est désigné par "zarikô", 
                le merina "tsaramaso" n'étant pas compris dans 
                les coins les plus reculés. La cuillère se dit "koera" 
                et non "sotro". L'emploi de ce dernier mot risque d'ailleurs 
                de prêter à confusion, car en betsimisaraka, il désigne 
                l'action de couper l'herbe avec un couteau. "Il s'agit de 
                mots dus à la colonisation réunionnaise sur la côte-Est 
                et aux nombreuses relations entre cette région et les Mascareignes, 
                depuis le 18e siècle et surtout le 19e siècle".
 Le langage antanosy, tel qu'il est rapporté par Flacourt, 
                se caractérise au 17e siècle par l'emploi d'un certain 
                nombre de mots d'origine arabe, qui sont depuis presque tous tombés 
                en désuétude. Ainsi le mot "moza" (en 
                arabe "maoûdj") désigne la vague, le mot 
                "farasa" (faras), le cheval. Le papier se dit encore 
                "karatasy" par une exacte reproduction du mot arabe 
                correspondant alors que, depuis, la forme "taratasy", 
                dérivée par assimilation, s'est substituée 
                à elle.
 Le terme "ampingaharatra" (fusil) est utilisé 
                dans les dialectes de la côte Ouest et du Sud. "L'origine 
                de ce mot se trouve dans le portugais espingarda" 'espingole). 
                Une malgachisation s'est opérée à la suite 
                des premières livraions de fusils par les Portugais", 
                le mot accompagnant l'arme dans sa diffusion progressive dans 
                l'Ile. De la côte Ouest, il gagne les Plateaux, à 
                travers les migrations des Sakalava aux 17e et 18e siècles.
 Par contre, dans la région nord-occidentale de l'Ile, on 
                rencontre le mot "basy", ou plutôt- "comme 
                la forme en est attestée par de vieux documents"- 
                le mot "bosy". Ce terme est à rattacher au hollandais 
                "buks", selon J. Diez. Ce dernier essaie de l'expliquer 
                en signalant qu'au 17e siècle, il doit exister en malgache 
                un terme "basy" désignant des objets en fer ou 
                le fer travaillé sous forme d'objet.
 Dans le Nord-est de l'Ile est apparu le mot "bosy" désignant 
                le fusil. "Mais comme cette arme était essentiellement 
                faite en fer, qu'elle a pu même être considérée 
                comme l'objet en fer par excellence en raison de son efficacité 
                particulière, le mot "basy" pouvait être 
                utilisé pour désigner cette arme".
 J. Dez termine son étude en spécifiant que bien 
                des mots posent encore des énigmes. "Il y a dans chaque 
                dialecte des mots qui semblent lui appartenir en propre et dont 
                les origines ne sont pas apparents". Et de se demander pourquoi 
                le feu (afo) se traduit "bolo" en vezo, pourquoi les 
                Betsimisaraka, notamment ceux du Sud, appellent "tokary" 
                le tas de paddy fait dans la rizière avant son transport 
                dans la maison...
 D'un dialecte à l'autre D'après une étude comparée entre certains dialectes et le merina, 
                J. Dez constate que dans ces langages, de nombreux mots sont identiques, 
                avec le même sens, mais dont, pour certains, l'usage diffère en 
                importance.
 Ainsi, par exemple, en merina et en betsimisaraka (du Sud), "hena" 
                et "vinany" désignent respectivement viande et embouchure de rivière.
 Par contre, le mot "valaka" (fatigué- qui existe dans les deux 
                vocabulaires- est plu usité dans l'Est qu'en Imerina où on emploie 
                de préférence "sasatra", mot inconnu en betsimisaraka.
 Inversement, alor sque dans le Betsimisaraka, on recourt volontiers 
                à "membo", inconnu dans les régions centrales.
 Il y a aussi des mots dont la signification diffère. Ainsi du 
                "randra" qui en betsimisaraka du Sud signifie à la fois tresse 
                et cheveu, alors que le merina distingue "randrana" (tresse) du 
                "volo" (cheveu). Les Betsimisaraka connaissent le mot "volo", 
                mais ne l'utilisent qu'avec le sens de poil ou de couleur.
 Par contre, en merina, le mot "ady" se traduit par combat et dispute. 
                En betsimisaraka, combat veut dire "ady" et dispute, "ankary", 
                ce dernier étant ignoré du merina.
 En sakalava, "mijery" a le sens de penser, réfléchir, considérer 
                intellectuellement, tandis qu'en merina, il signifie regarder, 
                considérer avec les yeux...etc. Et la liste n'est pas exhaustive.
 
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