le FAMADIHANA tradition dans le culte des ancêtres
Le Malgache est soucieux du respect des ancêtres.
Ainsi, tout ce qu'il entreprend doit nécessiter leur assentiment
et surtout leurs bénédictions. C'est pourquoi, le
famadihana revêt une importance, car il fait la jonction
entre les morts et les vivants d'une même famille
D'origine inconnue, le mot, dont la raison culturelle
est profonde, signifie, au sens propre, retournement des morts. Dans la
pratique, le famadihana revêt deux formes. La première comporte un
transfert vers le caveau familial des restés, enterrés auparavant
ailleurs, ainsi que le remplacement du linceul. La seconde forme, la plus
répandue, consiste en un renouvellement simple du suaire. C'est ce qui
s'est déroulé à Ambohimahatsinjo. L'aïeul Randrianolona, "l'un
des premiers occupants du village, un homme respecté en son temps",
témoigne une octogénaire, sera "retourné".
"Pour les Malgaches, portant beaucoup d'égards
aux ancêtres, bien que le corps d'un défunt repose dans la tombe, son
esprit ou encore son âme, reste vivant et veille sur nous. Ainsi, le
famadihana constitue, en fait, une demande de bénédictions à ces
esprits", explique un septuagénaire, Dadasamy de son nom, un ancien
du village. " Certaines personnes, continue-t-il, ont le pouvoir de
communiquer avec eux, ils transmettent à ces médiums qu'ils ont froid.
C'est pourquoi, le famadihana ne se tient que pendant l'hiver austral,
entre juin et septembre. Le signal du retournement est donné pour changer
le lambamena du mort"
Des règles
La cérémonie du famadihana dure deux à trois
jours, voire une semaine selon les possibilités financières de la
famille organisatrice. Toutefois, on ne la pratique pas comme l'on veut.
Il y a des règles à respecter. Selon les us et coutumes, elle ne se
termine jamais un jour de dimanche, de mardi et de jeudi.
Une grande fête
De nombreuses autres règles se font appliquer par un
"mpanandro", signifiant celui qui connaît le jour, un homme doté
de pouvoirs de connaissance, entre autres, du jour propice ou non pour
organiser le famadihana. Aussi, très souvent, fait-on appel à lui, si on
veut construire une maison, pour indiquer quand on pourra poser la première
pierre. "Son rôle est primordial pour les Malgaches", témoigne
un homme du village. Malheureusement, le "mpanandro ne devine presque
jamais le jour du famadihana pour de raisons inconnues", témoigne
une mère de famille.
Aux antipodes des funérailles, le famadihana est une
grande fête, puisque "c'est une occasion de se retrouver avec les défunts
d'une autre manière. C'est la séparation qui pèse lourd et non pas les
difficultés inhérentes à la vie quotidienne", rappelle Dadasamy.
En effet, le famadihana est aussi connu comme le
"vary be menaka", le riz inondé d'huile, c'est-à-dire le grand
festin. On abat essentiellement du boeuf et du porc.
les parents, les amis, les connaissances et les
voisins sont invités à une table collective, aux sons d'une fanfare de
cuivres et de tambours. Le "toaka gasy", le rhum artisanal, se
consomme sans modération. La veille de la cérémonie proprement dite,
dans la soirée, une liesse commune règne à travers un bal populaire.
Habituellement, cette manifestation se tient à la maison ancestrale, le
"tranon-drazana".
Le même jour, le "mpanandro", avec
quelques membres de la famille, effectue le "mamoha razana", ou
le réveil des mânes, devant le tombeau. Ainsi, l'homme, à la vision
"magique", prononce des mots "Dadabe Randrianolona sy ny
razambe rehetra, mifohaza ianareo. Mifohaza ianareo. Ho avy eto ny zanaka
aman jafy rahampitso. Hamono lamba mafana sy hangatam-pitahiana
aminareo..."(Grand-père Randrianolona et tous les ancêtres, réveillez-vous.
Vos descendants viendront demain. Pour vous recouvrir de lamba afin de
vous tenir chauds et pour demander votre bénédiction...)
"Ce rite s'effectue surtout en début de soirée,
car durant le jour, les esprits se dispersent dans la nature. Ce n'est
seulement qu'à la tombée de la nuit qu'ils rentrent dans la tombe.
L'objectif est de les prévenir pour qu'ils n'errent plus, explique le
mpanandro. Car, les esprits sont comme des êtres vivants
Le soleil commence à prendre la direction de
l'ouest, les ombres s'étirent vers l'est. II est 14 heures. A
Ambohimahatsinjo, les descendants de Randrianolona se précipitent, car
c'est le Jour J. Le grand banquet a pris fin, les femmes préparent des
nattes neuves et les lambamena, tandis que les hommes sont toujours à la
recherche de "toaka gasy".
Rasamoelina Richard, le doyen de la famille donne les
dernières recommandations. "Nous allons partir au caveau familial en
file indienne". A la tête du cortège, un homme porte le drapeau
national, les musiciens jouant des trompettes le suivent de près. Tous
les membres de la famille ferment le joyeux cortège. "C'est le
mpanandro qui a prescrit cette heure de départ", affirme le doyen de
la famille.
Le caveau n'est pas encore ouvert. "Ce cérémonial
est dévolu aux gendres" explique Dadasamy. En attendant, la famille,
surtout les filles et les dames, se réchauffent en dansant aux sons de la
fanfare, devant la tombe. Une fois celle-ci ouverte et après quelques
minutes de répit pour aérer l'intérieur, les hommes y entrent pour
extraire les dépouilles mortelles et les poser dehors, là où ils seront
redrapés de nouveaux linceuls. Le rite veut que "ceux qui sont décédés
en dernier sont sortis les premiers".
Les restes mortels sont déposés sur les nattes
neuves étalées côté sud de la tombe. Selon la tradition malgache, le
sud est la place de défunts. On ne les recouvre pas tout de suite de
nouveaux lambamena. On attend un signe du doyen de la famille. En fait, on
les laisse un peu s'exposer au soleil afin de dissiper l'humidité.
Toutefois, ils ne doivent pas être posés à même le sol .En effet,
les nattes enroulées contenant les ossements sont placées sur les
cuisses des membres de la famille, assis par terre dans la position du
yogi.
Certaines règles rituelles doivent être respectées
lors de la mise du lambamena. Le nombre des cordelettes pour le tenir est
toujours impair. La dernière sera nouée par le benjamin du défunt, ou
à défaut par celui de la famille. Tous les noeuds doivent se terminer en
bout de corde. Mais beaucoup de nos contemporains ne suivent plus cette règle.
Et sur les nouveaux lambamena, certaines familles écrivent des marques
avec de l'encre indélébile. C'est un signe distinctif.
Les dépouilles, ainsi recouvertes de nouveaux
linceuls, sont portées à bout de bras en faisant, en musique, trois,
cinq ou sept fois le tour du caveau . Elles sont ensuite remises à leur
place. Les avis divergent quant au sens de ces gestes. "On ne fera le
famadihana de ces ancêtres que dans trois, cinq ou sept ans",
affirme une mère de famille. Un autre membre de la
famille pense tout simplement que "c'est un
signe de joie".
L'avant-dernier rite à respecter du famadihana
concerne la manière de remettre en place les restes. Contrairement à
leurs extractions initiales, "ce sont les premiers décédés qui
sont remis en premier". A ce moment-là, les pleurs sont tout à fait
interdits. Le retournement des morts prend fin avec la prise de parole du
doyen de la famille. Son discours dit en substance "Misaotra
indrindra anareo tonga nanotrona ity fetim-pianakaviana ity. Ny razana
anie hitahy anareo", autrement dit "nous vous remercions d'avoir
honoré cette cérémonie familiale. Que les ancêtres vous bénissent".
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