Les amours malheureux selon la légende du lac Andraikiba
A chaque lieu, site, forêt, eau... de Madagascar est rattaché
un être légendaire ou une histoire plus ou moins pittoresque,
plus ou moins dramatique.
C'est le cas du lac Andraikiba, situé entre Betafo et Antsirabe.
C'est un beau lac formé par le cratère d'un ancien volcan
à eaux profondes, avec route circulaire et presqu'île boisée.
Comme autour de tant de beaux sites naturels, dont le pittoresque a frappé
l'imagination des anciens, autour du lac Andraikiba s'est tissé
une légende touchante.
Un homme appelé Rakotoarivelo a une femme du nom de Rangorivao.
Celle-ci, restée longtemps stérile, n'a un enfant qu'au
seuil de la vieillesse, un garçon à qui elle donne le nom
d'Indrianirina-le Désiré.
Cependant, entre-temps, Rakotoarivelo s'éprend d'une jeune prétentieuse,
Razanaboromanga. Il fait part à Rangorivao de son intention de
devenir bigame. Sur le refus obstiné de son épouse, il propose
alors, sinon impose, un pari : celle des deux femmes, Rangorivao ou Razanaboromanga,
qui aura traversé le lac dans les deux sens et le plus vite, deviendra
sa favorite.
Le pari a lieu. Il va sans dire que Rangorivao, affaiblie par l'âge,
le perd et même coule. Elle a juste le temps de lancer à
son mari, ce cri désespéré : "Veloma, efa kiba",
"adieu, je meurs". C'est depuis ce jour-là, dit on, que
le lac est appelé "Andrenikina", là où
une mère a trouvé la mort, qui s'est modifié par
la suite en "Andraikiba", là où un père
s'est tué.
On peut aussi citer Rasoabe et Rasoamasay, noms de deux lagunes voisines,
qui font partie du canal des Pangalana, le long du littoral Est.
Les noms de ces deux eaux proviennent également, selon une légende,
de ceux de deux rivales. Ce sont les épouses d'un homme bigame,
hostiles, voire haineuses, l'une envers l'autre, et qui se sont données
la mort, espérant rester l'unique femme. Rasoabe est la femme principale
(vadibe) et Rasoamasay, la seconde épouse (vady masay). Ce qui
explique, raconte-t-on, la différence de niveau des deux eaux qui
portent leurs noms.
Mais la légende la plus populaire sur les amours malheureux reste
celle rattachée à Ravolamihanta et Rabeniomby et au lac
Tritriva, également dans la région d'Antsirabe. Il s'agit
de deux jeunes gens, dont l'histoire d'amour ressemble à celle
de Roméo et Juliette, puisque les deux familles s'opposent à
leur union.
Ravolamihanta et Rabeniomby décident de se suicider en se jetant
du haut d'un profond cratère rempli d'eau, Tritriva. Selon la légende,
au moment où leurs corps atteignent l'eau, le lac se met à
former de grandes vagues.
Un an plus tard, leurs corps sont devenus un arbre à la forme bizarre,
dont les branches sont entrelacées et dont les feuilles ressemblent
à des chevelures.
La légende rapporte aussi que, lorsque quelqu'un lance une pierre
sur l'arbre ou qu'il pince son tronc, du sang en jaillit. De même,
si des pierres sont jetées dans le lac, là où ils
sont tombés, des bruits de tonnerre ou des coups de feu s'entendent
en écho.
Toujours selon la légende, les deux familles ne se sont pas apaisées
à la suite de cette fin tragique. Au contraire, chaque partie accuse
l'enfant de l'autre d'avoir entraîné le (la) sien (ne) dans
la mort. Accusations mutuelles qui s'enveniment, si bien qu'il faut porter
l'affaire devant la hiérarchie judiciaire- voisins, fokonolona,
notable, représentant du roi- avant d'aboutir devant le grand souverain,
Andrianampoinimerina.
Attristé, celui-ci réunit ses sujets pour conseiller aux
parents de ne pas contrarier les amours de leurs enfants. "Je vous
condamne, si vous agissez ainsi, car vous risquez de provoquer leur suicide".
Pour le grand monarque, de toutes les manières, les parents sont
perdants dans l'histoire: "Ils ne voient plus leurs enfants, ils
souffrent de les avoir perdus, de les avoir fait souffrir, pire de les
avoir poussés au suicide".
Evidemment, ce conseil s'accompagne d'un décret pour éviter
les mésalliances : "Les nobles épousent les nobles
comme eux, les Hova prennent pour femmes des gens libres comme eux, les
Mainty ne s'unissent qu'avec les femmes de leur caste".
Aller contre cette loi provoque la déchéance et, à
coup sûr, la réduction à l'esclavage.
Pela Ravalitera journal l'Express
|