Rambolamasoandro Destin merveilleux et tragique
S’il est une épouse royale qui aura à la fois un
grand destin et un fin tragique, c’est bien Rambolamasoandro. Bien
souvent des confusions existent entre les conteurs sur tel ou tel événement,
et des histoires contradictoires vont circuler. Mais par son importance,
celle-ci doit être contée. Ingahibe, le vieux, régnait
dit-on depuis fort longtemps à Ambohidratrimo, alors que Ramboasalama
"Andrianampoinimerina", ayant chassé Andrianjafy d’Anbohimanga
y régnait ; mais là seulement. Inghahibe, très âgé,
bougeait avec difficulté et passait la majeure partie de ses jours
accroupi près du foyer dans la case royale. Sa femme excédée
d’avoir un mari si âgé et pratiquement impotent, fit
venir ses enfants et leur dit ceci "Voyez, ô enfants, votre
père est vieux et incapable de régner, mais vous, vous ne
pourrez régner tant qu’il sera là, et moi, j’ai
honte d’être la femme d’un infirme. Il nous faut le
chasser du village, pour cela réunissons le peuple”. On réunit
le peuple, la femme du roi expliqua que le roi son mari, n’avait
plus la force d’administrer le royaume, qu’il fallait donc
le chasser. Le peuple approuva la requête de la femme du roi. Il
fut décidé que l’on construirait, pour le roi déchu,
une maison au Sud- Est, pour montrer qu’il ne régnait plus,
les rois habitant au Nord-Est. Toutefois, les Tandapa, serviteurs du roi,
réagirent différemment, le chef des Tandapa, décida
que le roi serait toujours son roi, et qu’il mourrait là
où mourrait le roi, sept autres serviteurs royaux firent de même.
Et le roi déchu habita sa nouvelle demeure avec ses serviteurs
restés fidèles, et sa dernière fille.
Une nuit, Ingahibe vit son père en rêve, qui lui dit : "O
mon enfant, tu es bien malheureux, ta femme et tes enfants ne t’aiment
plus, pour t’avoir chassé, mais rassure- toi, ils ne régneront
pas longtemps. Celui qui régnera, le seul et unique qui règnera
sur tout l’Imerina, sera celui qui est dans la forêt du Nord-Est,
dans l’Alahamady. Tu vas envoyer des Tandapa près de lui,
ils doivent y arriver avant un mois, qu’ils expliquent comment on
te traite toi le roi, il t’aidera". Le lendemain, le roi raconta
aux Tandapa son rêve, ceux-ci préparèrent leur voyage,
ainsi que les présents à offrir. Parvenant près d’Ambohimanga,
ils demandèrent à voir le roi. étant près
de lui, ils lui remirent les présents, et le roi les interrogea
sur le motif de leur venue. "Ingahibe, qui est vieux, a été
chassé de son trône, et pourtant, pour nous, il est toujours
le roi d’Ambohidratrimo.
Il nous a demandé d’aller dans le pays couvert de forêts,
pour y voir celui qui y règne, afin qu’il lui viennent en
aide". Ramboasalama, fut satisfait qu’un autre roi vint lui
demander son aide. Il renvoya les Tandapa avec des présents importants:
deux bœufs gras et une vache ayant encore son veau, afin que Ingahibe,
en buvant son lait, reprenne des forces. Puis il leur donna des calebasses
emplies d’un onguent gras, pour que ses gens le frictionnent avec.
Et le roi d’Ambohimanga annonça qu’il viendrait en
Asorotany pour voir leur roi, puisque celui-ci se trouvait au coin Sud-Est
de ce signe astral, d’après le Vintana. Le roi d’Ambohimanga
arriva en Asorotany (quatrième mois lunaire malgache) avec des
présents, des lamba et de l’onguent. Il frictionna le roi
Ingahibe, tant et si bien, que celui-ci recouvra une certaine souplesse
et put se tenir debout normalement. Ingahibe, s’entretint longtemps
avec Ramboasalama et conclut : "Tu seras seul et unique souverain
sur cette terre", et prenant par la main, sa dernière fille
qui était demeurée près de lui, il la mit dans les
bras du roi d’Ambohimanga et lui dit : "N’en fais pas
ton esclave, mais ta femme", mais Ramboasalama ne voulait accepter,
disant qu’elle seule restait pour veiller sur lui. Mais Ingahibe
insista tellement, que Ramboasalama partira avec celle qui sera connue
plus tard sous le nom de Rambolamasoandro, elle sera épouse du
roi, va lui donner cinq enfants, dont celui qui régnera et sera
connu sous le nom de Radama.
Rambolamasoandro, va survivre à son fils Radama, mais la nouvelle
reine Ranavalona 1ère va supprimer, comme il est de coutume, tous
les membres de la famille de son défunt époux qui risquent
de lui nuire.
L'accession de la reine Ranavalona 1 ère au trône de l'Imerina
ne se fait pas dans la douceur
Les dernières heures de Rambolamasoandro, mère de Radama I
Pela Ravalitera l'Express Madagascar
Comme l'ont écrit de nombreux auteurs, l'accession de
la Reine Ranavalona 1ère au trône de l'Imerina ne se fait pas
dans la douceur, au contraire. Cette fois-ci, nous reprendrons
un témoignage de Raombana publié en 1854. Il est à préciser, cependant,
que ce chroniqueur malgache, est peu favorable à la Reine.
Il évoque pour commencer l'assassinat des deux fidèles Tsimandoa
du Roi défunt, Itsiaribikia et Imanantsimijay, pour avoir proclamé
publiquement la “vérité” concernant la succession. Selon eux,
Radama I, “avant sa maladie et pendant tout le temps qu'il fut
malade, avait déclaré que sa fille devait lui succéder. Bien qu'elle
soit une femme, disait-il, elle montera à cheval; elle portera
l'uniforme militaire et gouvernera le Royaume, qui deviendra sous
son sceptre plus grand encore et plus glorieux. Elle épousera,
disait-il encore, Rakotobe (le neveu du Roi, fils de sa soeur
Rabodosahondra), mais celui-ci ne possédera en propre aucune autorité
royale”.
Et les deux serviteurs fidèles ajoutent : “Les Tsimandoa ne sont
pas les seuls à connaître la volonté du Roi: tous les officiers,
tous les ministres et presque tous les habitants de l'Imerina
sont au courant, tous connaissent la volonté de Sa Majesté d'avoir
pour successeur sa fille (Raketaka ) et personne d'autres”.
Poursuivant son récit, Raombana affirme que, dès le matin du vendredi
31 juillet 1828, Ranavalona 1ère devient souveraine et donne l'ordre
d'arrêter la mère de Radama et son petit-fils Rakotobe. Pour l'auteur,
en effet, l'initiative du massacre qui s'ensuivra vient de la
Reine, “et non d'Andriamihaja agissant seul ou au nom des conjurés
(qui la soutiennent) alors que ces derniers retenaient la future
Reine prisonnière dans le palais de Besakana” (Simon Ayache, professeur
à l'Ecole normale d'Antananarivo).
Rakotobe, encore très jeune (13 ans) a un caractère très doux
“qui lui attirait l'affectueuse sympathie de tous”, affirme Raombana.
La Reine ordonne au capitaine Rafalimanana “et à quelques tueurs
de l'étrangler secrètement, quelque part dans la ville basse,
et de l'y enterrer”. Quatre hommes, la corde en mains, se saisissent
de Rakotobe. “Mais cette corde était à moitié pourrie; elle se
rompit quand ils tirèrent dessus pour l'étrangler. Le prince,
étouffé, était déjà presque mort, et ses cris avaient été affreux,
selon un des bourreaux. On envoya l'un des tueurs acheter une
nouvelle corde, afin de bien terminer l'ouvrage. Il revint une
demi-heure plus tard. Le prince avait eu le temps de retrouver
ses esprits, et ses larmes et les supplications recommençaient”.
Le jeune enfant finit d'ailleurs par demander à ses bourreaux
d'exécuter, vite et bien, les ordres reçus pour que “je sois libéré
de cette souffrance”.
Le sort de la mère de Radama, Rambolamasoandra, “est aussi lamentable
que celui de son petit-fils”. Arrêtée, elle est conduite en un
lieu secret. “Sa Majesté ne commanda pas de l'étrangler, ni de
la sagayer, parce que, disait-elle, son sein avait nourri Radama”.
Mais le samedi, ses bourreaux l'obligent à avaler un morceau de
“sirahazo” (potasse), “ce qui, bientôt, lui brûla les entrailles...
Après des heures d'horribles souffrances, elle mourut, dans l'état
le plus affreux. Son corps fut expédié à Fanjondroho, dans le
district de Marovatana, pour y être enterré dans le tombeau de
ses ancêtres”.
Cependant, quelques jours plus tard, écrit Raombana, la Reine
fait un rêve terrible : “L'esprit de Rambolamasoandro s'approchait
d'elle, tentait de la saisir à la gorge et de l'étrangler”. Elle
en est si effrayée qu'elle ordonne d'exhumer le corps du tombeau.
Un chien fut tué dessus; on fouetta le cadavre avec un rameau
d'“ambiaty” (plante d'ornement, “Vernonia appendiculata”). A la
fin de cette cérémonie, poursuit l'auteur, au lieu d'enterrer
le corps, “on le transporta avec le cadavre du chien, sur le sommet
élevé d'Ambohimanoa, et fut abandonné là aux chiens et aux oiseaux...”.
A préciser que les Hova pensent que si l'on tue un chien sur le
corps d'un mort et qu'on le flagelle avec un rameau d'“ambiaty”,
son esprit s'éteint aussi et disparaît.
La personnalité du mort rend exceptionnelle cette cérémonie,
bien que fréquente pour les sorciers.
Raombana conclut ainsi cette partie de sa chronique : “Ces deux
meurtres soulevèrent dans le peuple une vive émotion. On frémit
de voir aussi cruellement assassinés les proches parents de Radama.
Mais Sa Majesté ne s'arrêta point là”.
Rakotobe, le prince bien éduqué
Avant la naissance de sa fille, c'est à Rakotobe, son neveu, que Radama
destine sa succession. Par la suite, il change de dispositions et décide
qu'il lui donnerait sa fille en mariage, pour qu'ils règnent tous deux
ensemble. “Il restait entendu, cependant, que la souveraineté réelle et
totale n'appartiendrait qu'à la Reine”.
Le Roi confie alors l'éducation de son neveu aux missionnaires, dès leur
arrivée, et le jeune prince en tire grand profit. Il faut dire que “Radama
avait, plus d'une fois, répété au Rév. Jones qu'il ne fallait avoir pour
lui ni indulgence ni ménagement s'il se montrait faible ou paresseux dans
ses études”.
Cette rigueur, jointe à ses aptitudes naturelles, lui fait accomplir de
rapides progrès. Et bien que très jeune, il est admis en “première division”,
les élèves de Jones étant répartis en cinq.
Selon Simon Ayache, Raombana doit à cette confiance de Radama en l'éducation
des missionnaires son voyage en Angleterre, et sa propre carrière. Mais
à Antananarivo même, il faut beaucoup d'énergie à Radama et aussi à sa
mère Rambolamasoandro qui intervint avec vigueur dans ce domaine pour
vaincre la méfiance générale. “Si vous souhaitez devenir sages et heureux,
disait le Roi, et me plaire, envoyez vos enfants dans les écoles et laissez
leur apprendre, car les bons élèves, appliqués et sages, seront honorés
par moi” (Ellis).
Des nouveaux riches dans la famille de Ranavalonamanjaka
Après la mère de Radama, Rambolamasoandro, et son neveu Rakotobe une des premières hautes personnalités à être la victime des partisans de
Ranavalona 1ère, sinon de la Reine elle-même, est Ralala. C'est le premier ministre du Roi défunt depuis 1816 et il ne trempe pas dans la conjuration,
bien au contraire. D'ailleurs, il est hors de la Capitale quand on l'assassine, ayant accompli une inspection de son bétail à la frontière nord de l'Imerina.
Selon Raombana, le dimanche 2 août 1828, Andriamamba, sans demander l'avis de la Reine, envoie trois hommes le tuer. Ces derniers le rencontrent
aux environs d'Ambohimanga, alors qu'il rentrait chez lui. Comme Ralala voyage en palanquin, les “trois tueurs” ordonnent aux porteurs de s'arrêter,
sous prétexte de nouvelles à lui transmettre.
Et tandis que l'un d'eux l'occupe en lui racontant des balivernes, les deux autres se glissent derrière lui et le poignardent. Ralala croit d'abord que ce
sont ses porteurs qui l'assassinent. Mais l'un des tueurs le contredit : “Ce ne sont pas vos esclaves qui vous exécutent, mais les hommes envoyés
par Ranavalomanjaka qui règne à la place de Radama”. Et Raombana précise : “A ces mots, le vieil homme ramena un pan de son lamba autour de sa
tête, et mourut, sans gémissement, sous les coups répétés de ses assassins”.
La nouvelle de la mort de Ralala, “assassiné par des brigands sur le chemin du retour vers Tananarive”, se répand aussitôt et vient aux oreilles de la
Reine. Elle s'en montre peinée et ordonne d'arrêter les brigands et d'enterrer avec les honneurs le corps du ministre.
Cependant, Andriamamba entre sur ces faits dans le Palais. Alors, “avec passion”, il lui explique que le coup de main meurtrier s'est fait sur son ordre,
parce que Ralala est un ardent défenseur de la famille royale. “S'il avait été là, à Tananarive, au moment de la mort du Roi, vous ne seriez pas reine, à
l'heure qu'il est, vous seriez peut-être dans le tombeau”. Ces mots ont l'effet escompté sur la Reine.
Elle se souvient, en effet, qu'au début du règne de Radama, Ralala a été le principal instigateur de la mise à mort de ses parents et de son frère. Aussi
modifie-t-elle ses ordres et fait proclamer à travers la ville “que Ralala, s'étant rendu coupable d'un grave délit, avait été exécuté sur son ordre et qu'en
raison de son crime, ses nombreux esclaves, ses biens et ses rizières seront confisqués”.
Ainsi les esclaves de Ralala et son argent sont distribués entre les parents de la Reine et les conspirateurs; une partie de ses rizières répartis entre la
Reine et les chefs de la conjuration, Andriamamba, Andriamihaja et Rainijohary; une autre entre Rainiharo et son frère Rainimaharo; et ses fiefs sont
attribués à Ravalontsalama.
Grâce à ces confiscations sans nombre, en particulier à “l'immense troupeau d'esclaves” de Rambalomasoandro, de Rakotobe et de Ralala, “les
conspirateurs, qui étaient, à l'exception d'Andriamamba, misérablement pauvres, devinrent en un clin d'oeil, riches et florissants”. Il en est ainsi des
deux sœurs de la Reine, Rafaramanjaka et Ramasindrazana, ou de ses neveux Ramboasalama, Ramahatra et Ramonja, ou encore de sa nièce
Rabodo.
Mais qu'en est-il de la fille de Radama, Raketaka, et de ses deux sœurs Ratsiadala et Ramarivelo, toujours à Antananarivo ? Ranavalona ne les fait
pas tuer, mieux elle ne leur cause aucun tort, les jugeant inoffensives. Notamment Raketaka, trop jeune et trop peu soutenue en pays merina, pour
pouvoir lui porter ombrage. En outre, la Reine a d'autres raisons de l'épargner et de ménager sa mère, la princesse sakalava Rasalimo. Elle se rappelle
de la politique sakalava de Radama et juge nécessaire de la poursuivre.
Pourtant, si Ralala s'est trouvé dans la Capitale au moment de la mort du Roi, la révolution de palais ne se serait pas produite. Attaché à la famille
royale, homme fin et rusé, selon Raombana, il aurait connu, avant les femmes de Radama, la gravité de la maladie du Roi, et il aurait pris, sans tarder,
les mesures nécessaires pour assurer la succession au bénéfice de Raketaka. “Car il était aimé et craint des Tsimandoa et de tout le peuple, des
civils comme des militaires”.
Des problèmes de succession
Ramboasalama est le neveu mais également le fils adoptif de Ranavalona 1ère. Le jour du couronnement, il apparaît comme prince héritier. Car, selon
Ellis, dans le grand défilé du sacre, il précède immédiatement la Reine.
Mais il est bientôt évincé au profit de Rakoto, fils légitime de la Reine, né quelque temps plus tard. Il multiplie contre le prince héritier les complots,
toujours déjoués par le premier ministre Raharo. “Il ne reconnut Rakoto qu'en désespoir de cause, trois jours avant la mort de Ranavalona” (Malzac).
La succession de Radama II posera aussi problème. Ranavalona 1ère veut établir un droit successoral “qui la légitimerait elle-même et selon le choix
supposé d'Andrianampoinimerina”. Elle décide alors que sa nièce Rabodo, fille aînée de la plus âgée de ses sœurs, Rafaramanjaka, devienne aussi l'épouse de son fils Rakoto
(Radama II), même si ce dernier est plus jeune d'une quinzaine d'années. Ainsi Rabodo lui succèdera sur le trône de l'Imerina.
Rabodo, de ce fait, supplante la première femme de Rakoto, la princesse Ramoma. Celle-ci est la fille d'une autre sœur de Ranavalomanjaka,
Ramasindrazana, et donc la cousine de Rabodo et de Rakoto.
Néanmoins, les deux princesses devront régner successivement, Rabodo sous le nom de Rasoherina (1863-1868), et Ramoma sous le nom de
Ranavalona II (1868-1883).
Ranavalona 1ère et ses droits à la succession au trône
Radama I tourne le dos à son peuple le 28 juillet 1828. Depuis ce mardi-là jusqu'au dimanche 2 août, selon le chroniqueur Raombana- dont le récit diverge de ceux d'Ellis et de Malzac-, le corps du Roi gît sur son lit, à la Maison d'argent, la Tranovola qu'il a fait bâtir pour son épouse sakalava Rasalimo, mère de sa fille Raketaka et de son fils Rabobalahy.
" Il était dans le pire état de décomposition. On n'en avait pris aucun soin. Aucun lamba ne l'enveloppait, comme c'est la coutume pour tous les morts, du rang le plus bas au plus élevé. Les quelques Tsimandoa qui demeuraient là, étaient seuls autorisés à entrer à la Tranavolona et à pleurer sur ce corps inerte... ".
Le lundi 3 août pourtant, tout apparaît calme et la Reine estime qu'il n'y a plus d'opposition à craindre, et elle ordonne de convoquer le peuple pour pleurer la mort de Radama et assister à ses funérailles. Elle envoie chercher d'innombrables boeufs dans les parcs royaux pour les offrir en festin au peuple assemblé à Andohalo.
Par la voix de ses ministres, Ranavalona 1ère transmet un discours dans lequel il est précisé " que la volonté d'Andrianampoinimerina et de Radama était pleinement accomplie, car tous deux avaient décidé que Ranavalomanjaka devait leur succéder, que le royaume n'était pas tombé dans des mains d'usurpateurs auxquels ils n'auraient pas légué leur souveraineté ".
La Reine ordonne alors à chacun d'accomplir les cérémonies " Milefonaomby " et " Misotro vokaka ". Et " quiconque tenterait d'installer à sa place un autre souverain, ou de faire agir contre elle sorcellerie ou magie, serait puni de mort ", en vertu du caractère sacré de ces deux cérémonies. En outre, tous doivent se couper les cheveux, se raser la tête en signe de deuil.
La Reine devient ainsi la protectrice de tous ses sujets et promet qu'elle ne changera rien à ce qu'Andrianampoinimerina et Radama ont accompli ou prévu de réaliser.
Selon Raombana, la peine du peuple, en apprenant la mort du Roi, est accrue par le regret d'entendre que la famille de Radama ne lui succède pas. " Tous savaient bien que les affirmations de la Reine sur sa désignation par les souverains précédents n'étaient que mensonges ".
Le chroniqueur tient, en effet, à préciser que Ranavalomanjaka ne descend que d'un parent éloigné d'Andrianampoinimerina qui, s'il l'a donnée en mariage à son fils, n'a certainement jamais pensé à en faire son successeur. D'autant qu'en dehors de Radama, il a eu de ses autres femmes, des enfants, filles et garçons. " De plus, Ranavalona avait peut-être dix ans de plus que Radama. Certes, dans un mariage princier, à Madagascar, cela n'a aucune importance, car les rois vivent fort peu avec leurs épouses; ils choisissent d'autres femmes à qui ils accordent leur tendresse. Mais il reste évident que ni Andrianampoinimerina, ni personne d'autre, ne pouvait supposer qu'elle survivrait à Radama ".
Poursuivant sa théorie, Raombana pense que le peuple est convaincu que la Reine ment sur ses droits à la succession. D'autant que la nouvelle de l'assassinat du prince Rakotobe et de la mère du Roi, court à travers la foule, murmurée de bouche à oreille. " On doit lui attribuer, pour une bonne part, la force des lamentations, la profondeur de la peine ". Mais le peuple a aussi la conviction que Ranavalomanjaka tient solidement son trône et qu'il est inutile de lui opposer la moindre résistance au risque de la peine de mort.
Ainsi, aussi bien les chefs des six districts de l'Imerina ( l'Avaradrano au nord-est, le Marovatana et le Vonizongo au nord-ouest, le Vakinisisaony au sud-est, l'Ambodirano au sud-ouest, et le Vakinankaratra au sud) que le peuple répondent à ce discours royal par leur joie de la voir sur le trône, elle et personne d'autre, qu'ils la serviront avec autant d'ardeur et de dévouement que ses prédécesseurs, qu'ils obéiront à tout ce qu'il lui plaira de faire d'eux. Et qu'enfin, " il faudra punir de mort quiconque tenterait, en pensée ou en acte, une conjuration, pour la renverser ou pour renverser le successeur, quel qu'il soit, choisi par elle ".
La prestation de serment des nobles
Le " milefinaomby " (transpercement du bœuf) est la cérémonie la plus solennelle, réservée aux nobles et aux chefs des tribus.
Selon James Sibree (“Madagascar et ses habitants ”, 1873), " on abat un veau, puis l'on coupe la tête et la queue, dont la place respective est intervertie. Les jambes de devant sont également étendues à la place des jambes de derrière, et réciproquement ". On éventre alors la bête, et des lances sont enfoncées dans la chair qui palpite encore.
Les chefs et les nobles qui ont à prêter serment, tiennent des lances, tandis qu'un des juges présents prononce le serment. La formule dit des imprécations terribles contre ceux qui se parjureraient en reconnaissant un autre souverain. " Ceux qui tenteront pareille chose seront tués, en vertu du caractère terrible et sacré de cette cérémonie; qu'ils soient traités comme ce jeune taureau noir, abattu, gisant devant nous; et aussi ceux qui nourriraient pareil projet au fond de leur coeur. Et puisse cette malédiction retomber sur leurs enfants et sur les enfants de leurs enfants ".
Le " misotro vokaka " est réservé au peuple. On apporte des pirogues pleines d'eau où l'on a jeté une pincée de terre prise aux tombeaux des souverains de l'Imerina (vokaka). Le peuple invité à goûter de cette eau, prononce aussi une malédiction. Ce genre de cérémonie frappe toujours de terreur le peuple et éloigne de lui toute velléité de conspiration.
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