Ambohidrabiby fait partie des 12 collines sacrées
de l'Imerina et était le chef-lieu des Mandiavato et la
capitale du royaume de Ralambo 1575 1610 qui partit d'Alasora.
La naissance miraculeuse de Ralambo
Pour imposer son autorité, Ralambo disposa de la réputation
que lui procura une naissance inespérée et quasi
miraculeuse. Fille du roi d’Ambohidrabiby, sa mère,
Ramaitsoanala, Dame verte/noire en forêt”,
était aussi bien l’héroïne d’un
mythe. Dans celui-ci, Imaitsoanala est la célestielle fille
d’une divinité marine, dame Oiseau ou Ivorombe.
Après de multiples épreuves dues aux deux épouses
terrestres du Prince et contre la volonté mais avec l’aide
de sa mère oiseau, elle défit ses rivales et devient
la seule épouse d’Andriambahoaka, Prince du
peuple des embouchures”, qui l’aimait, et donna naissance
à un garçon, également appelé Andriambahoaka.
Elle sera donc à l’origine d’une nouvelle dynastie
ressourcée en mer et dans sa célestialité,
tandis que ses deux rivales avaient prouvé leur terrestre
stérilité.
Auréolée d’une telle histoire, Ramaitsoanala,
dès lors appelée Randapavola, ne pouvait donner
naissance à un prince dans les conditions de la commune
humanité. La procréation
fut d’ailleurs difficile. La naissance de Ralambo suivit
six échecs (fausses couches et mort en bas âge) qui
furent autant d’épreuves.
Pour sa septième grossesse le chiffre sept étant
ici celui de la mort, il fallut un devin pour savoir où
l’accouchement aurait lieu. Ce ne pouvait pas être
sur la rive Sud de l’Ikopa où se situe Alasora, mais
sur la rive Nord, là où se trouve idéalement
la direction du pouvoir, sans pouvoir être non plus chez
ses parents, à Ambohidrabiby, comme l’aurait voulu
la coutume populaire.
Ce fut à Ambohibaoladina, non loin d’Ambohimalaza,
qu’elle accouchera dans une maison en forme de bateau (kisambosambo)
que ses suivants avaient édifiée et qui évoquait
les bateaux
transocéaniques des origines. La délivrance eut
lieu au premier jour du mois du bélier (Alahamady) et Randapavola
devint Rasolobe, Grande Princesse relique”, seule
remplaçante
des anciennes reliques.
Un sanglier (lambo), dit la tradition populaire, vint traverser
la maison et donna son nom au nouveau-né. Mais il semble
bien qu’il s’agisse là d’une réinterprétation,
et songeant, dans le contexte, à ses rapports avec le zébu,
on ne peut que penser que le souvenir du Sud-Est asiatique était
toujours vivace et que, dans ce cas, lambo signifie bœuf”,
comme dans la langue des origines. Jean-Pierre Domenichini et Bakoly D. Ramiaramanana
Ralambo et l’Imerina ambaniandro
Mettant en évidence l’erreur de la pensée
théorique dominante qui avait cru pouvoir poser que les
sociétés de l’oralité n’avaient
pas d’histoire ou, si elles en avaient une, que ce ne pouvait
être qu’une histoire répétitive, illustrant
de façon cyclique” une servile soumission
à une tradition que l’on croit figée, l’histoire
des Hautes Terres centrales, au XVIe siècle, est marquée
par l’émergence du Royaume Imerina. Après
sa victoire sur les Manisolta d’Alasora, Andriamanelo, dit
la tradition royale, déclara :
Les Vazimba sont désormais partis, engagés
sur le chemin de l’exil. L’usage des sagaies a permis
de les vaincre et, immanquablement, deviendront miennes toutes
ces terres soumises au jour, car seul peut dominer le soleil.”
C’est ce programme, moteur de la marche triomphale des andriana
dès avant le temps d’Andrianerinerina, qu’il
mit en œuvre et que Ralambo, soutenu par le peuple hova également
fidèle à la mémoire d’Andriamanelo”,
se fit un devoir de poursuivre.
Portés par la force et le dynamisme de la tradition bien
prise et comprise et, à l’évidence, bons connaisseurs
de l’histoire des andriana depuis le point de dispersion
de Maroantsetra, sur la côte Nord-Est de l’Ile, Andriamanelo
et Ralambo furent avant tout des princes capables de se projeter
vers le futur et d’innover, en malmenant au besoin les idées
reçues.
Animés par une véritable volonté de puissance
mais sans doute aussi conscients des avantages de l’union,
en un temps où les Hautes Terres étaient déjà
la cible des razzias nourrissant la traite des esclaves, ils surent
mener la conquête des terres et de leurs habitants tant
dans la guerre que dans la paix.
La violence n’est pas toujours, comme on le prétend,
la principale accoucheuse de l’Histoire. La formation du
territoire d’Imerina le prouve, qui fut surtout le résultat
d’une politique d’alliances matrimoniales conçues
par des Andriamanjaka sachant parfaitement, d’une part,
se situer sur l’arbre généalogique commun
pour profiter de l’idéal du fanjakana tsy afindra
(tendant à conserver l’héritage du fanjakana
dans la famille) et, d’autre part, jouer des diverses dispositions
des règles ancestrales de succession.
Elle bénéficia aussi c’est le rôle du
hasard en Histoire de ce que la durée cumulée des
règnes d’Andriamanelo et Ralambo dépassa soixante
ans, permettant le suivi de cette politique.
La quête d’héritages
Déjà, Andriamanelo, en demandant en mariage Ramaitsoanala,
fille du roi d’Ambohidrabiby, savait que ce prince de Kaloy
avait été appelé au fanjakana par le peuple
d’Ankotrokotroka le futur Ambohidrabiby qui, par la même
occasion, lui offrit d’épouser Ramaitsoakanjo, héritière
des droits sur la terre non seulement en ce lieu, mais à
Ambohimanga et en Andringitra.
Alors, venu faire sa demande à Rabiby, il y mit la condition
d’être d’abord reconnu pour fils en parenté
classificatoire avant d’être agréé comme
gendre appelé à avoir surtout des obligations à
l’égard de ses beaux-parents.
Reçu en fils, Andriamanelo, épousant Ramaitsoanala,
faisait un mariage préférentiel ouvrant des droits
: dans le futur, lui et son fils devaient hériter du fanjakana
de leur père et grand-père. Et ce fils devait, de
plus, recevoir de sa mère, Ramaitsoanala, les droits sur
les terres qu’elle tenait de sa propre mère, Ramaitsoakanjo.
Dans cette politique d’ouverture de droits, le poids de
la volonté d’Andriamanelo fut grand dans les alliances
matrimoniales contractées par son fils Ralambo. Notamment
en ce qui concerna les mariages avec Rabehavina et avec Ratsitohina
qui, bien que les souverains, étant d’essence
divine”, soient au dessus de l’inceste Ny Andriamanjaka
Isy manam-pady, se serait soumis au rituel de levée d’interdit
pour servir d’exemple à la société
humaine.
Ralambo épousa d’abord Rabehavina, Dame aux
grandes boucles d’oreille”, fille d’Andriamamilazabe,
grand prince ayant hérité de la branche andriana
de , et de la sœur de Rabiby, laquelle possédait
des droits sur Kaloy.
Vraie Princesse du Ciel (Andriambavilanitra), comme en atteste
la couleur blanche incluse en son autre nom de Rafotsimarohavina,
elle devait hériter et des droits sur la terre dont sa
mère était titulaire et des droits à la seigneurie
de son père, comme en témoigne son troisième
nom de Ratompokoamandrainy, qui impliquait qu’elle fût
servie à l’égal de son père.
De fait, épousant cette Dame, Ralambo épousait la
cousine germaine croisée de Ramaitsoanala, autrement dit
sa mère classificatoire. Et de cette union allaient naître
une fille, Ravaomasina, et un fils, Andriantompokoindrindra.
Plus tard, selon ce qu’avait décidé son père
après le meurtre d’Andriamananitany, Ralambo prit
pour épouse Ratsitohina, qui était à la fois
sa cousine germaine croisée puisque fille de Rafotsindrindramanjaka,
la sœur de son père, et sa nièce, puisque fille
d’Andrianamboninolona, son cousin germain parallèle,
c’est-à-dire son frère classificatoire. Et
de cette union allait naître le futur roi Andrianjaka.
La constitution du territoire
En revanche, rien n’est dit d’un autre mariage, si
ce n’est que, quand la tradition cite le nom des enfants,
elle nous apprend qu’ils naquirent d’une autre mère
(hafa reny).
Mais on peut se demander, au vu de faits ultérieurs, si
elle n’était pas une descendante d’Andrianakotrina,
dont on aurait espéré, aussi important qu’une
ouverture de droits sur la terre ou sur l’exercice du pouvoir,
un partage de richesses, semences et techniques éprouvées
de longues date en matière de riziculture.
Quoi qu’il en soit, exécuteur testamentaire”
d’Andriamanelo, Ralambo devait en priorité se soucier
d’assurer, aussi étendues que possible, les bases
territoriales de la royauté.
Jean-Pierre Domenichini et Bakoly D. Ramiaramanana
Ralambo régna à Ambohidrabiby au nord-est de Tana, et
de là, murit la stratégie pour l'agrandissement du royaume. Il
fit jouer son fils Andrianjaka encore jeune à Ambohimanga,
une belle colline boisée où il n'y avait pas encore de roi, mais
était habitée par des Vazimba, premiers occupants de l'Ile, de
même que la colline d'Analamanga (future Antananarivo). Il chassa
le célèbre roi vazimba"manipulateur de foudre" Andrianafovaratra
de la colline Merinkasinina ( Imerinkasinina Merikasinina Imerikasinina
), entre Ambatomanga et Ambohimangakely..
Il fut, dit-on, le premier à avoir goûté à la viande de zébu (hen'omby,
appelé encore jamoka par les Vazimba). Il institua la fête du
bain royal lors de l'Alahamady, premier mois de l'année dans l'astrologie
malgache. Il organisa la vie et l'emplacement géographique des
castes d'Andriana (hiérarchie des nobles):
- Andriantompokoindrindra, son fils aîné qui accepta le leadership
de son cadet Andrianjaka;
- Andriandranando, son oncle époux de la soeur de son père
- Andrianamboninolona, son cousin fils du frère de son père assassiné
Ceux-là l'aidèrent à développer le royaume naissant du nord et
du sud de l'Imerina. Restait à "conquérir" la colline d'Analamanga
sur les Vazimba", tâche que son fils Andrianjaka mènera à bien
par la suite.
Rabiby, beau-pére de Ralambo était astronome (Habib en arabe)
et avait donné son nom à la colline où il résidait (la colline
de Rabiby) et qui s'appelait auparavant Ankotrokotroka.
Andrianampoinimerina installa ici Rasendrasoa sa première femme
et qui fut ensevelie par la suite dans le grand tombeau à côté
de celui de Rabiby.
On peut admirer ici également en plus de nombreux autres vestiges,
une grande marmite en fer que Jean Laborde a utilisé à Ilafy pour
la fabrication de poudre mais qui fut transféré ici par la suite
en 1857.
Comme son père à Alasora, Ralambo prit soin d'affirmer son
pouvoir en faisant d'Ambohidrabiby sa seconde capitale. Il en
organisa l'occupation en tenant compte de son histoire et de ses
habitants, tout en se référant au modèle d'organisation de l'espace
social. Au centre, au point le plus élevé, se trouvait, entourée
d'une palée (rova), la grande maison (lapa) où il résidait, dominant
à l'Est la place des discours (kianja) ; à l'entour étaient les
agents de l'appareil d'état, ses parents et des représentants
de son peuple. A l'Est, normalement inoccupé dans les habitants nouvellement
créées, résidaient les Zanakarivo, Enfants du peuple, qui, dans
la position des ancêtres due à leur ancienneté dans le lieu, étaient
ses serviteurs-courtisans. Au Nord, ses conseillers politiques étaient les Zanadoria,
Enfants de la septième génération, descendants d'Andriandoria,
lui-même de la septième génération d'une lignée issue d'un souverain
et sur le point de perdre les droits afférents. Le Sud de soumission était aux Ambodifahitra, et l'Ouest
de sujétion à ses enfants, les ZanadRalambo.
Dans cette capitale, comme dans les autres, seuls pouvaient
avoir leur dernière demeure les anciens souverains et ceux dont
les descendants pouvaient le devenir. édifiés à l'Ouest du
kianja selon le modèle d'orientation ancienne, les tombeaux, tels
qu'on les présente aujourd'hui, avec Rabiby au centre et le fasan'andriana
encore en usage du Nord, mais Ralambo et ses épouses au Sud, sont
dans une disposition significative d'une période charnière. Quand
Ralambo y résidait comme roi, Ambohidrabiby était une colline
sacrée, puisque, avec le tombeau de Rabiby, elle abritait
déjà les restes d'un ancêtre des souverains (razan'Andriana).
Devenue, pour l'histoire, symbole du rassemblent, elle reçut le
titre de Puissance vertu de l'Imerina (Hasin'Imerina).
Doté d'une capitale, Ralambo prit soin de constituer les bases
territoriales de la dynastie en établissant ses enfants là où
ils avaient des droits à la succession : Andriantompokoindrindra
à Ambohimalaza, où lui-même avait auparavant résidé sur les
terres de sa femme Rabehavina Andrianjaka, d'abord à Ambalanirana et Ambohibato sur les
terres relevant d'Alasora, puis à Ambohimanga et Andringitra,
qui lui venaient de sa grand-mère. Quand à ses autres enfants,
il installa sa fille, Rambavy, à Masindray dans l'Atsimondrano, sur des terres
dépendant d'Alasora, et ses fils au Sud et à l'Ouest d'Ambohidrabiby
: Andriampanarivomanga à Lazaina Andriantompobe à Ambatofotsy Andriamasoandro à Manandriana et Andriampolofantsy à Antsomangy.
Cela dit, envisageant l'acquisition de nouveaux droits, sans doute
veilla-t-il lui aussi aux mariages de ses enfants. On voit, par
exemple, Andriantompobe épouser Ramangaseheno, une andriana de
l'Imamo dont la famille, sous l'autorité de l'aîné Andriamaroary,
se livrait au négoce de la soie.
A l'époque du roi Andriamasinavalona (1675-1710), qui
rassembla l'Imerina 4 Toko, et Andriambahoakafovoanitany, roi
de l'Imamo, ces deux illustres personnages scellèrent un
accord d'alliance et de bon voisinage par l'envoi dans leurs fiefs
respectifs des membres de leur famille pour y habiter et tisser
des liens de solidarité.
Andriamasinavalona y envoya les ancêtres d'ANDRIAMAROARY (duquel
est issu RAINIDRAOTO et ses descendants), dont 4 noms ont été
retenus pour la postérité aux environs de 1680:
1- Andriantsehenoarivo
2- Ralambohitatsihafoy
3- Andriamanarivofenoavoampy
4- Andriamiaranjakamasoandro
Ralambohitatsihafoy engendra Andrianjakatodiana et ses 2 frères..
Andrianjakatodiana engendra Ralambozafy, et ce dernier engendra
5 enfants, qui sont:
Ainsi donc, Ralambo, poursuivant l'œuvre
d'Andriamanelo en consacrant ses efforts à rassembler lettres
et seigneuries (namory tany sy fanjakana), avait déjà pacifiquement
agrandi son territoire, même si, par le jeu des successions, les
terres contrôlées par un fanjakana, comprenant des parties enclavées
dans des territoires soumis à d'autres princes, ne formaient pas
un ensemble d'un seul tenant.
Mais il ne suffisait pas d'avoir des droits, encore fallait-il
les faire reconnaître. Dans cette période où l'insécurité s'était
accrue et où il fallait se défendre contre les incursions aussi
bien sakalava à l'Ouest que sihanaka et bezanozano à l'Est,
Ralambo, par le commerce avec la côte, se procura jusqu'à cinquante
fusils et trois barils de poudre.
C'est avec l'aide de guerriers réputés qu'il organisa la défense
: avec son oncle Andriandranando, qui avait déjà aidé son père
et fut le premier à posséder un fusil en Imerina,
et avec Andrianandrintany, qui l'aida contre Andrianafovaratra
d'Imerinkasinina lequel prétendait commander magiquement au feu,
mais fut chassé par l'incendie.
Ayant chassé les derniers Manendy des alentours de sa capitale,
et joint aux terres d'Alasora, au Sud du fleuve, celles d'Ambohidrabiby
au Nord, il mit au jour l'Imerina roa toko, l'Imerina aux deux
provinces et aux deux capitales.
stèle indiquant l'emplacement d'un tombeau
dominant la plaine
gardienne des lieux
A droite tombeau de Rasendrasoa épouse de Andrianampoinimerina
1787 1810 qui fut inhumé à Ambohimanga pour la première fois.
place public et tombeau de Ralambo et Ratsitohinimanjaka
Ratsitohinina
femme de Ralambo dit Ratsitohinimanjaka "celle qui était
suceptible"
Ratsitohinina Marie avec Ralambo 1575-1612 , dont
Andrianjaka 1612-1630
Andriampolofantsy
Ravololondralambo
pierre sacrée Rabiby beau père de
Ralambo 1575 - 1610
maison à balcons
typiques maisons malgaches dominant la plaine
marmite en fer que Jean Laborde a utilisé
à Ilafy pour la fabrication de poudre mais qui fut transféré ici
par la suite en 1857.
êglise Ambohitrabiby
entrée Sud
entrée Ouest avec Antananarivo à l'horizon
Antananarivo
Ambohidrabiby: vue ouest un jour orageux du mois de mars
Ambohimanga
Ralambo le premier roi qui institua la
viande de zébu dans l'alimentation d'où l'inscription "omby"
(zébu) sur la pierre dressée sortie sud d' Ambohitrabiby
Repas de Fandroana La cuisson de la viande de boeuf dans la tradition malgache
était simple : en ragoût avec des brèdes ou
rôtie au feu vif. La pratique de la friture était
inconnue à cette époque, car 1'huile alimentaire
n'existait pas encore.
Il existait aussi une technique de conservation de cette viande
dans la graisse et dans des marmites en terre. Cuites sur feu
doux pendant une semaine entière et sans interruption,
de grosses quantités de viande exprimaient eau et graisse
dans les marmites sans interruption, si bien qu'au bout de ce
laps de temps, la viande pouvait être refroidie. Elle était
conservée pour une année, jusqu'à la prochaine
fête du Fandroana qui pouvait commencer sans crainte : cette
opération spéciale qui reçut le nom de «
mialin taona » qui dure une année était alors
réchauffée, consommée par toute la famille
et les invites et on recommençait une nouvelle conservation
de viande pour 1'annee suivante une fois la fête terminée.
A cette époque, on appréciait beaucoup la viande
de boeuf mais comme il existait plusieurs étapes dans 1'accomplissement
des rites, il était interdit d'en consommer avant que n'eut
lieu la cérémonie du bain royal proprement dite
au cours de laquelle le souverain aspergeait d'eau sacrée
ses sujets pour les bénir. Alors pour faire patienter tout
le monde, on autorisa l'abattage de volailles : cela s’appelait
le « fo tsy aritra » (ce à quoi on ne résiste
pas). Et on imagine aisément 1'allegresse générale
quand arrivait le moment de manger de la viande de boeuf tant
attendue. On faisait ripaille mais ce repas rituel était
exempt de toute boisson alcoolique.
Il faut faire remarquer que cette exclusivité réservée
à la viande de boeuf pendant la célébration
du Fandroana demeura en vigueur jusqu'a la fin de la royauté
en 1897 alors que la consommation de celle du porc était
autorisée depuis le règne de Ranavalona II (1868-1882).
Les agapes gargantuesques des Grands à Amboditsiry
Ralambo, roi de l’Imerina dont la résidence principale
se trouve à Ambohidrabiby, est le premier à introduire
dans la tradition et à « légiférer
» la consommation de la viande de bœuf dans son royaume.
Selon des auteurs européens en 1952, il existe jadis à
Ambohidrabiby de vastes cuves de fonte de la taille d’un
bœuf, où se préparent des sautés de
zébu entier, sans doute pour commémorer l’évènement
légendaire. À certaine époque, on peut encore
admirer dans la case d’Andrianampoinimerina, dans le Rova
d’Antananarivo, un petit arsenal de piques, tridents et
lardoires, dont les dimensions, « dignes d’un diable
aux enfers », ne s’expliquent que par de gargantuesques
rôtis. On désigne ces bœufs rôtis entiers
par « omby atsatsika » alors que le mot usuel rôtir
est « mandritra », comme « akoho ritra »
indique « le vulgaire poulet rôti ». Plus précisément,
il désigne en particulier le bœuf ainsi préparé.
D’ailleurs en 1952, « atsatsika » ou «
ritra », même les plus vieux Tananariviens semblent
avoir perdu le souvenir et jusqu’au nom de cette préparation,
« tant l’influence des Européens a transformé
les conceptions en matière de cuisine aussi ».
D’anciennes Notes évoquent des documents qui relatent
les deux festins donnés par le Premier ministre Rainilaiarivony
à dix ans d’intervalle, à l’occasion
des mariages de deux de ses héritiers. Selon les auteurs,
ils permettent « d’assurer que l’évolution
culinaire a été parfaite entre les années
1880 et 1890 ». Les Notes en reprennent à nouveau
des extraits.
Le 26 aout 1880, le Premier ministre marie son fils Ramariavelo
ou Rainiharivony avec la jeune Razafimalala. Le banquet nuptial
se tient dans une prairie du domaine familial d’Amboditsiry,
richement décorée et recouverte de tapis et de lamba.
Il réunit 178 garçons d’honneur, 60 demoiselles
d’honneur et 1 000 invités au nombre desquels toute
la colonie européenne, française et anglaise, d’Antananarivo,
tandis que 1 976 bourjanes assurent le service des filanjana.
« L’Anglais Clark qualifia de surnaturelles les agapes
lorsqu’il apprit qu’on avait abattu 57 bœufs
engraissés en fosse pour les préparer. Il est vrai
que les viandes en furent distribuées à tous ceux,
et ils étaient nombreux, qui avaient apporté des
cadeaux de noce. » La reine et le Premier ministre parcourent
les tables pour s’assurer du bien-être de tous, tandis
que l’élite de la jeunesse européenne et malgache
d’Antananarivo surveille l’ordonnance du repas.
« Tout ce qu’on avait pu trouver de meilleur était
sur les tables, mais l’attraction inouïe du festin
fut la présentation de six bœufs gras rôtis
entiers ; des écriteaux qui les accompagnaient, portaient
la mention : Tolomy aho fa matavy : mangez-moi je suis gras Les
invités prélevèrent eux-mêmes les morceaux
de leur choix, tandis que se faisaient entendre chanteurs et musiciens.
» Ce menu traditionnel ne sera pas suivi dans les mêmes
circonstances, puisque dix ans plus tard, à l’occasion
d’une cérémonie identique les plats changent
du tout au tout.
Un chroniqueur malgache, en relatant cet « autre énorme
» festin que donne, en 1891 le Premier ministre à
l’occasion des noces d’un petit-fils, Ratelofera,
ajoute : « Il n’est pas possible actuellement de savoir
si, parmi les invités, il n’y en a pas eu qui soient
tombés malades ou morts d’indigestion en raison de
l’abondante excellence de la chère… »
Il n’y a pourtant que 55 plats de viandes et de poissons,
non compris les hors d’œuvres, légumes, pâtisseries
et desserts… Il est « significatif » que tous
les plats mentionnés portent des noms français adaptés
à la phonétique et l’orthographe malgaches.
Les mêmes qui s’inscrivent sur les ardoises des gargotes
du Zoma.
Ainsi, on peut lire notamment, sur le menu, « befitaika
», « lomilety » et le « benier serivel
» qui désignent respectivement le beefsteak, l’omelette
et le beignet de cervelle. « Si le plat désigné
akoho mifahy amin’ny sampaina porte un nom malgache, sa
traduction, poulet sauce champagne, en indique l’origine
française ; tout comme le omar grantin, la volay crapodine,
et les tripo alamode dika pour tripes à la mode de Caen.
» Certes, les convives du Premier ministre se classent parmi
d’aristocratiques « évolués »,
mais leur « faculté d’assimilation »
au double sens, propre et figuré, « suscite l’admiration
».
Les chroniqueurs soulignent que l’exemple et l’enseignement
européens, renforcés par l’engouement malgache,
produisent ainsi, en un siècle, trois ou quatre générations
d’émérites maitres queux, cuisiniers, rôtisseurs,
sauciers, charcutiers, panetiers, boulangers et pâtissiers
qui font toujours « les délices des grandes tables
d’ici ». Cependant dans l’imitation, loin d’être
servile, l’apprenti devenu maitre, puis virtuose, quand
parfois même il n’improvise pas, « ne se contente
plus de préparer des mets de manière orthodoxe.
» Il les transpose souvent à son gout propre, selon
des habitudes locales qui tendent à s’imposer.
Andrianjaka, né en 1612, décédé en 1630
(à l'âge de 18 ans).
Marié avec Ravadifo, dont
Andriantsitakatrandriana, né en 1630, Analamanga,
décédé en 1650, Ambohimanga (à l'âge de 20 ans).
Marié avec Ravololontsimitovy.
Marié avec Rafoloarivo.
Andriampolofantsy.
Ravololondralambo.
-Marié avec Rabehavina (fille de Andriamamilaza),
dont
Andriantompokoindrindra.
Ratompoindraondriana
Andriandambo
Andriamahatsiravina
-Marié avec Rafotsindrindramanjaka, dont
Andrianimpito.
Zafin-Dralambo Andrianimpito.
Andrianimpitoekemanjaka.
Andrianimpitomangoro.
Andriandanimena.
-Marié avec ?, dont
Andriampanarivomanga.
Ravadifo.Mariée avec Andrianjaka, né en 1612,
décédé en 1630 (à l'âge de 18 ans).
Un souverain novateur
Comme Andriamanelo, Ralambo est un héros culturel : on lui
attribue la domestication du zébuet sa consommation,
la création de la fête du Bain et l'organisation des
rangs dans le groupe andriana.
la domestication du zébu
Introduit dans l'île par les Anciens avec son nom d'origine soudanienne
centrale utilisée en Afrique australe, le bœuf (omby) a pu marronner
et redevenir comme sauvage, sans que son élevage ait jamais été
abandonné.
La viande de zébu était consommée, comme en témoigne l'archéologie.
Or, les traditions racontent que Ralambo aurait fait sacrifier
un jamoka, zébu sauvage, et en ayant fait cuire et goûter après
ses serviteurs, il aurait déclaré que la viande en était bonne,
après quoi, ayant fait entrer des bêtes dans un parc, il les
auraient nommées omby parce qu'elles y avaient toutes trouvé
place. Le même tantara est localisé à Ambohimalazabe, à Ambohidrabiby
et à Mamiomby en Andringita. En fait, ce que Ralambo fit, ce fut
d'abord de généraliser l'usage du mot omby pour remplacer jantoka,
le vieux mot d'origine asiatique.
Ce fut ensuite de permettre, à son usage et à celle des siens,
la consommation de certains zébus qui, comme les bêtes laissées
libres d'aller et venir et pâturer en liberté (leharanjy), en
avait été exemptés. Ce fut surtout d'affirmer sa légitimité et,
en s'en réservant certains morceaux la bosse (trafon-kena) et
la culotte (vodihena) qui, dans toute l'île, étaient destinés
aux Grands de la société, d'en retirer la disposition à d'autres
qui en bénéficiaient jusqu'alors.
la fête du Bain
De même n'a-t-il pas créé ex nihilo le Fandroana Fête du Bain,
mais il l'a profondément modifié. Antérieurement, le Fandroana,
à la fois rituel agraire et fête dynastique de bain des reliques
royales, avait lieu au début de l'année solaire, au début du mois
d'Asaramanitra de l'ancienne année à dénomination sanscrite. Ralambo
l'inscrivit dans le calendrier d'origine arabe et le situa au
premier croissant de la lune du Bélier (Alahamady) au jour anniversaire
de sa naissance.
Derrière le rituel dynastique, il personnalise la fête et organise
son propre culte, abandonnant désormais l'Alakaosy, Lune du Sagittaire,
à la célébration des anciens princes.
Dès lors, bien que l'on ait continué à confectionner des reliques
(solo) on connaît notamment celles d'Andriantompokoindrindra et
Andrianjaka, honorées jusqu'au début du XXe siècle, le Bain sera
celui du Dieu visible (andriamanikitamaso) que devient le souverain
vivant. Mais des anciennes reliques, Ralambo choisit celles qu'il
conserva en fonction du nouvel équilibre politique. C'est ainsi
qu'elles devinrent sampin'Andriana.
De même qu'Andrianampoinimerina 150 ans plus tard pour
concrétiser sa puissance spirituelle ancestrale et la sienne,
il va remodeler la cérémonie
la plus ancienne et la plus importante: l’Asaramanitra "Fandroana",
appelée inexactement le " bain royal". "Ralambo
institua le Fandroana en souvenir des ancêtres, ainsi que
pour les sanctifier et les invoquer, je n’y changerai rien.
Voici maintenant ce que j’ai à dire, je m’emploie,
moi le roi, à les sanctifier et pour cela, à l’occasion
du Fandroana , vous sacrifierez un bœuf volavita et un autre
qui soit beau, sur chacune des douze collines où reposent
mes ancêtres, voilà ce que vous leur offrirez au
retour du Fandroana. Je vous en informe, ô mes sujets, pour
que vous n’y changiez rien et que vous vous rappeliez mes
ancêtres . Vous pourrez ainsi me sanctifier en en augmentant
le nombre. Mes douze femmes correspondent en nombre aux douze
collines sacrées, elles m’offrent le " hasina",
offrande de piastre entière au moment du Fandroana, elles
font prendre le "jaka" et le " tatao" , viande
consacrée à la population et datant du Fandroana
de l’ année d’avant, pour permettre aux gens
de vieillir et atteindre mille ans, voilà ce que vous ferez,
ô mes sujets, car ce sont là mes ancêtres que
vous prierez. Voici les sommets que vous invoquerez : Ampandrana
, Merimanjaka, Alasora, Ambohitrabiby, Antananarivo, Ambohimanga,
Ambohidratrimo, Ilafy, Namejana et les douze collines sacrées
des ancêtres à ajouter aux noms précédents,
voilà ce que vous invoquerez quand vous prierez pour moi.
Quand vous invoquerez vos ancêtres, il faudra vous rappeler
que les miens précèdent les vôtres".
Ch. G. Mantaux et H. Ratsimiebo Copyright L’Express de Madagascar
organisation des rangs
Enfin, l'on retient qu'il organisa les andriana. Appliquant le
principe hiérarchique aux descendants de Rangita, il en fixa les
rangs en fonction de la proximité généalogique.Abstraction faite
de la famille royale stricto sensu, cette hiérarchie plaça au
premier rang les Andriantompokoindrindra, descendants du fils
aîné de Ralambo, ainsi que ceux de sa sœur ; puis, au deuxième
rang, ceux de son cousin germain, Andrianamboninolona et de ses
frères et sœurs , au troisième rang, ceux d'Andriandranando ;
enfin, au quatrième rang, ceux de ses autres enfants formant les
ZanadRalambo Enfants de Ralambo.
Ainsi fixés, les rangs du groupe andriana demeurèrent tels jusqu'à
Andriamasinavalona. Mais il faut noter que, structure politique,
cette hiérarchie pouvait intégrer des personnes ou des groupes
n'ayant pas d'attache généalogique avec la descendance de Rangita.
Ainsi en est-il, dès l'origine, des Andrianakotrina d'Ambohimahatsinjo
qui, en contrepartie des terres d'Ambatofotsy et de Manandriana
cédées à deux fils de Ralambo, furent intégrés aux ZanadRalambo.Ces
andriana parents de Ralambo étaient alors peu nombreux. Mais même
privé du réseau de relations que pouvaient constituer ceux qui
étaient devenus des roandriana, Ralambo a pu réunir l'Imerina
ambaniandro par une politique qui satisfaisait les aspirations
populaires et bénéficiait d'un large soutien. Avec Antananarivo,
son fils Andrianjaka donnera au royaume la capitale tant désirée.