Les rois d'Ambohimanga
Andriamasinavalona 1675 -1710
Andriantsimitoviaminandriandrazaka 1710 -1730
Andiambelomasina 1730 -1770
Andrianjafy 1770 -1787
Andrianampoinimerina 1774 -1810
Radama 1° 1810 -1828
Ranavalona 1° 1828 -1861
Radama II 1861 -1863
Rasoherina 1863 - 1868
Ranavalona II 1868 -1883
Ranavalona III 1883 -1896
AMBOHIMANGA GRANDEUR ET DÉCADENCE D' UNE CITÉ
En dehors du Rova de Manjakamiadana (le palais de la reine)
le principal rova de Madagascar est celui d'Ambohimanga.
Cette bourgade qui se trouve à une vingtaine de km au nord d'Antananarivo
fait partie des douze collines sacrées.
Fondée au départ par le clan des Zanakandriamborona originaire
de l'Imamo (partie occidentale de l'Imerina) Ambohimanga
entre véritablement dans l'histoire au début du XVIIIème siècle
sous le règne du roi Andriamasinavalona. Au moment en effet ou
celui-ci divisa son royaume entre ses 5 héritiers, la possession
d'Ambohimanga
échut à son fils aîné Andriantsimitoviaminandriandrazaka.
Mais c'est surtout l'avènement du grand Andrianampoinimerina vers
1787 qui devait consacrer définitivement le prestige de cette
localité. En effet ce roi (qui y a vécu jusqu'en 1794) fût à l'origine
non seulement du développement extraordinaire d'Antananarivo mais
aussi de l'unification du royaume merina. Il sera inhumé à Ambohimanga
ainsi que la plupart des souverains merina jusqu'en 1897 date
où par crainte d'une révolte se cristallisant autour de ces restes
royaux, et de façon tout à fait arbitraire, le pouvoir colonial
décidera de transférer leurs cendres au rova d'Antananarivo. Ainsi,
résidence et nécropole royale jusqu'en 1897, Ambohimanga tient
une place à part dans la géographie sacrée des hautes terres de
Madagascar.
Cette ville sainte est la " cité interdite " de Madagascar (jusqu'en
1895 les européens n'y avaient pas accès).
Ainsi parlait Andrianampoinimerina :
"Ceux qui continuent l'élévation d'Ambohimanga,
qu'ils soient bénis par Dieu. Ceux qui rabaissent ou déshonorent
Ambohimanga,
qu'ils soient rabaissés par Dieu".
1/ NAISSANCE D' UNE CITÉ
La colline d'Ambohimanga
vers 1900
Ambohimanga se prénommait à l'origine Tsimadilo, puis Andriamborona
le transformera en Ambohitrakanga (la colline des pintades) et
c'est sous Andriamasinavalona qu'elle deviendra Ambohimanga
(colline bleue).
Le site historique se présente comme une enceinte fortifiée de
2,5 km environ composée de 2 rangées de fossés est percée de 14
entrées.
Les traditions ont gardé le souvenir des anciens palais qui pour
la plupart datent du règne d'Andrianampoinimerina.
Aujourd'hui, seule subsiste l'enceinte de Mahandry.
Mahandry avant 1905
Les changements qui vont s'opérer par la suite datent surtout
du règne de Ranavalona (vers le milieu du XIXème siècle) qui va
faire des travaux de restauration de grande envergure à Ambohimanga
(notamment ceux portant sur l'aménagement du Fidasiana et de Mahandry)
et comme de nombreux souverains merina, elle n'hésitera pas, pour
des raisons symboliques, à déplacer des bâtiments du rova d'Antananarivo
vers celui d'Ambohimanga
et vice-versa. La 2ème période de grand bouleversement du site
correspond au début de la colonisation qui va essayer de désacraliser
le site (installation de baraquement pour les troupes, "modernisation"
des bâtiments qui vont servir de résidence d'été pour Gallieni
et des gouverneurs français) sans y parvenir car aujourd'hui encore
Ambohimanga
accueillent des milliers de pèlerins chaque année. De nombreuses
restaurations plus ou moins heureuses ont eu lieu depuis cette
période.
2/ LES PALAIS ROYAUX
La vieille ville avait abrité 3 enceintes :
21. BEVATO était situé sur l'actuelle place
du Fidasiana et abritait 4 édifices :
- MANANTSARALEHIBE : C'était le plus beau des palais d'Ambohimanga.
Quand Ranavalona I a voulu le restaurer elle a gardé les murs
d'origine (en ambora et en herana) et s'est contentée de les doubler.
Il a été déplacé 3 fois! II se trouvait à l'origine, au rova d'Antananarivo
puis il a été transféré dans l'enceinte de Mahandrihono avant
d'être reconstruit dans Bevato. Il était réservé au fils aîné
du roi.
- MANANTSARAKELY : occupé par les épouses du roi.
- TSARARAY : destiné aux enfants royaux.
- BEVATO : dénommé ainsi car c'est à cet emplacement que l'on
a avait rassemblé des pierres destinées à lapider le roi déchu
Andrianjafy pour le cas où il reviendrait.
22. NANJAKANA était composé de 6 édifices
:
- NANJAKANA considéré comme l'un des plus anciens bâtiments car
il existait bien avant l'avènement d'Andrianampoinimerina qui
s'est contenté de le restaurer. Il était réservé aux princes et
Radama I y résidait.
- MANANDRAIMANJAKA construit par Andrianampoinimerina pour ses
enfants
- MANAMBITANA et MANANJARA
- FOHILOHA et KELISOA déplacés du rova d'Antananarivo.
Cet ensemble a été en grande partie détruit par un incendie accidentel
(un baril de poudre avait explosé) lors des funérailles de Ranavalona
I en 1861. Entraînant par la même occasion la mort de plus de
80 personnes! Par la suite les reines Ranavalona II et Rasoherina
ont essayé de le reconstruire mais il n'a jamais retrouvé sa grandeur
d'antan.
23. MAHANDRY. Des 3 enceintes, seul ce dernier
subsiste encore de nos jours. il est entouré d'une palissade
construite sous Ranavalona I en 1847 sur l'emplacement d'un ancien
mur formant ainsi une citadelle au cœur de la vieille ville. Il
est composé de 3 palais :
- Le premier en importance est la case d'Andrianampoinimerina
dénommée Mahandrihono. (C'est une réplique de Mahitsielafanjaka
du palais de la reine entièrement détruite aujourd'hui)
- Manjakamiadana : ce palais a été reconstruit plusieurs fois.
Sous Andrianampoinimerina il abritait l'idole royale Manjakatsiroa,
puis il a été agrandi par Ranavalona I et c'est Ranavalona II
qui en 1871 a démonté Masoandro du rova d'Antananarivo pour bâtir
le palais actuel connu sous le nom de Mahandry.
- Tranofitaratra (maison de verre) un petit pavillon flanqué de
4 parois de verre construit par Ranavalona II.
Outre ces bâtiments, l'enceinte de Mahandrihono renfermait aussi
les tombeaux royaux surmontés des tranomasina.
Des 4 tombeaux qui s'y trouvaient avant le transfert décidé par
Gallieni, il ne reste plus aujourd'hui qu'un trano-masina. Le
pouvoir colonial avait construit une case servant de cuisine et
de réfectoire sur l'emplacement des tombeaux d'Andrianampoinimerina
et d'Andriambelomasina (le comble du sacrilège!). Cette case a
été démolie en 1954 ce qui a permis de retrouver des restes de
linceuls (lambamena) hache, sagaie provenant des tombes des 2
rois.
Le Fahimasina, un parc à bœufs creusé dans le sol destiné au bétail
qui va être abattu lors des grandes cérémonies ainsi que 2 bassins
creusés dans la roche (destinés aux bains des souverains ou aménagés
pour y accueillir des poissons).
Deux portes monumentales dont l'une surmontée d'un poste de guet
complètent l'ensemble.
3/ LES HAUTS LIEUX DE LA CITÉ
31.
FIDASIANA : cette vaste esplanade, était devenue après
des aménagements successifs le cœur de la cité. En effet, Andriantsimitoviaminandriandehibe
y avait consacré une pierre, le vatomasina, qui allait devenir
le "support" de toutes les cérémonies importantes qui ponctuent
la vie de la cité : sacrifices d'animaux (notamment les fameux
omby volavita), kabary, fanasinana, etc...
C'est sur cet emplacement que le rova de Bevato fût bâti ainsi
que les tombeaux des rois et leurs familles avant que Ranavalona
I ne les transfère à Mahandrihono et à Ambatorangotina, en 1847.
32. AMBATORANGOTINA
: petite place où se sont déroulées la déchéance du roi
Andrianjafy et l'investiture d'Andrianampoinimerina par les Tsimahafotsy.
Andrianampoinimerina, y rendait justice, y faisait les serments
(sur Lemainty un bœuf couleur d'ébène que l'on avait enterré là).
C'est là que l'on rassemblait la population pour leur faire part
des décisions royales.
Cette même place avait servi un moment de marché sous Andrianampoinimerina
mais Ranavalona I le déplaça à Amboara.
33. AMBATOMIANTENDRO : De ce point de
vue, on dominait une bonne partie de l' Imerina. On faisait des
offrandes sur un vatomasina (pierre sacrée) qui s'y trouvait et
Andrianampoinimerina y jouait parait-il au fanorona.
C'est aujourd'hui encore un lieu de pèlerinage.
34.
AMPARIHIMASINA (lac sacré) : II a été aménagé par Andrianampoinimerina
à l'emplacement d'un marécage. On y puisait l'eau destinée au
bain du souverain; à la cérémonie de la circoncision etc...
II a du être asséché bon nombre de fois car des objets impurs
y étaient tombés (comme ce bœuf qui devait être abattu lors de
funérailles sous le règne de Ranavalona I ou ce chien mort sous
Ranavalona II)
35. ANDRANOMBOAHANGY
: fontaine aménagée à mi-pente. Aujourd'hui, c'est un lieu
de prière et d'offrandes.
36. ANDRANOMATSATSO
: grotte où jaillit une petite source dont l'eau a un goût
assez fade. Aujourd'hui on vient y faire des offrandes, prendre
du tany masina (terre sacrée), invoquer le "kalanoro" qui habite
semble-t-il les lieux.
4/ LES VAVAHADY D'AMBOHIMANGA (les portes) :
Andrianampoinimerina, dès son arrivée au pouvoir entreprit l'amélioration
du système de défense de la cité. Au fossé initial, qu'il terminera
et consolidera, il rajoutera un deuxième. Ces fossés étaient percés
de dizaines de vavahady d'inégale importance. Les traditions vont
garder le souvenir de 14 portes dont 7 déjà existantes et 7 qu'il
a rajouté par la suite (Le chiffre 7 étant symbolique car il existe
d'autres accès plus ou moins importants).
41. LES PORTES : noms et fonctions
Les plus anciennes construites sous Andriantsimitoviaminandriandrazaka
:
- Ambavahaditsiombiomby
(E) - réservé au souverain
- Ambodiaviavy
(N-E)
- Ampanidinamborona
(N)
- Andranomboahangy
(N-O)
- Ambavahadimasina
(O) on y prélevait le zahana plante destinée à la cérémonie de
la circoncision.
- Ambavahadimahazaza
(S)
- Ambavahadikely (N-O)
Entrée pricipale du Rova avant 1907
Celles édifiées sous Andrianampoinimerina
- Ambatomitsangana
(E) interdite aux morts et à tout ce qui s'y rapporte
-
Andakana (O) interdite aux morts et à tout ce qui s'y rapporte
- Amboara
(N) passage des morts
- Miandrivahiny
(N-O) passage des morts
- Ampitsaharana
(S-O) poste de guet
- Andranomatsatso
(S) poste de guet
- Antsolatra
(S-E) poste de guet
Ambatomintsangana avant 1930
Ces portes principales étaient souvent doublées de portes d'accès
secondaires telle Ambavahadimahazaza qui permettait de descendre
à Ampitsaharana.
Ces portes ne présentent pas tous les mêmes aspects qui variaient
selon leurs fonctions.
Andakana
et Ambatomitsangana,
voies royales, sont les plus larges et les plus élaborées avec
leurs énormes disques de pierres (celle d'Ambatomitsangana avec
4 m de diamètre pèse une douzaine de tonnes) qu'une dizaine d'hommes
devaient rouler tous les jours.
II a aussi fallu tenir compte du milieu naturel qui a été exploité
autant que possible. Ainsi, Ambavahaditsiombiomby
interstice entre deux rochers ne pouvait laisser passer plusieurs
personnes à la fois. Toutefois la pierre reste le principal matériau
utilisé pour toutes les portes.
42. LEURS CONSTRUCTIONS
Chaque clan prenait en charge la construction et l'entretien des
fossés et des vavahady qui se trouvaient dans leurs secteurs :
- Ceux de l'Avaradrano :
Ambatomitsangana (Tsimiambolahy) Amboara (Mandiavato)
Andakana (Tsimahafotsy)
- Ceux du Marovatana : Miandrivahiny
- Ceux de l'Ambodirano : Andranomatsatso
- Ceux du Vakinisisaony et les Zafimbazaha : Ampitsaharana et
Antsolatra.
Leurs emplacements; les jours de leurs constructions ainsi que
les matériaux utilisés étaient minutieusement choisis. Ainsi on
y incluait des pierres issues de collines très rocheuses, de la
terre récoltée dans les tombeaux des ancêtres, à l'extérieur pour
conjurer le sort, on plantait certaines variétés de plantes etc.
5/ LES HOMMES QUI ONT MARQUE AMBOHIMANGA
- Les premiers maîtres des lieux étaient Andriamborona et toute
sa famille. A savoir, son père Ramasoandrobe, sa mère Ratompobe
ainsi que son oncle maternel Ampanarifito. Ils étaient originaires
d' Ambohimandrohitra en Imamo et ont donné naissance au clan des
Zanakandriamborona.
- Le 1er roi d'Ambohimanga était Andriatsimitoviaminandriandrazaka
(début XVIIIème siècle?) qui l'a reçu en partage de son père Andriamasinavalona.
Son fils Andriambelomasina lui succédera et laissera le trône
à son fils Andriarijafinanahary (ou Andrianjafy). Son neveu Ramboasalama
(qui deviendra Andrianampoinimerina) lui succédera et après lui
tous les rois de l'Imerina unifiée (de Radama à Ranavalona III)
jusqu'à la colonisation.
- Les Tsimahafotsy : Hova de l'Avaradrano, fidèles compagnons
d'Andrianampoinimerina qui vont le porter sur le trône et à qui
il octroiera de nombreux privilèges.
6/ LA RELIGION DE LA CITE (Dieu, les ancêtres, les idoles)
61. LES ANCêTRES ROYAUX :
Ambohimanga,
nécropole royale est une ville sacrée. Elle a abrité jusqu'en
1897 les restes des souverains Merina.
Du temps d'Andrianampoinimerina il y avait 12 tombeaux surmontés
de trano-masina alignés nord-sud dans le rova. A l'extrême nord
se trouvaient les quatre grands où reposaient les rois comme Andriantsimitoviaminandriandrazaka
et Andriambelomasina.
8 petits tombeaux accueillant les mères et la famille des souverains
complètent l'ensemble.
A la veille de la colonisation cette nécropole royale d'Ambohimanga
se présentait comme suit :
4 tombes étaient alignées N-S
1) Extrême-Nord : Ranavalona I et II reposant dans un unique cercueil
en argent car cette dernière étant morte lors de la guerre de
1883-85 le temps avait manqué pour lui en fabriquer un nouveau.
2) Andrianampoinimerina
3) Andriantsimitoviaminandriandrazaka et Andriambelomasina ainsi
que 2 princesses : Ranavalondralambofonamanjaka et Ranavalonfonjanahary
4) Les épouses des rois ainsi que de nombreux princes et princesses
: Rampanobonitany (épouse d'Andriantsimitoviaminandriandrazaka)
Rasoherimananitany (épouse d'Andriambelomasina) Ranavalonandriambelomasina
(mère d'Andrianampoinimerina) etc.
62. Les SAMPY d'Ambohimanga (Idoles royales)
Ambohimanga
a abrité les idoles royales célèbres comme :
- Rafantaka
aspect : dent de sanglier enveloppé dans une étoffe pourpre
rôle : garde la vie sauve au cours des combats (ody basy sy lefona)
l'endroit où on le gardait : Bevato
- Manjakatsiroa :
aspect : sable enveloppé dans une étoffe pourpre
fonction : donne tous les pouvoirs au roi et le protège de ses
ennemis
lieu : Manjakamiadana.
- Fonrongon'Ikelimalaza : la partie principale se trouvant à
Ambohimanambola.
63. LES FADY D'AMBOHIMANGA
- escargot / hérisson / cheval / porc
- oignon / maïs / courge
- rognon
- les Européens
7/ VIE QUOTIDIENNE A AMBOHIMANGA SOUS ANDRIANAMPOINIMERINA
Tous les clans et les groupes sociaux étaient représentés à Ambohimanga.
- A chaque clan était dévolu un quartier, charge pour eux de l'entretenir.
- le nombre d'habitations y était limité et chaque clan avait
droit à un quota
Ex : pour les Zanakandriamborona il était de 20 cases.
- la vie économique : des rizières étaient réservées aux habitants
d'Ambohimanga
: (Ampisaka et Anketsaka) tout était réglementé.
Ex : chaque clan possédait des rizières et devait produire une
quantité minimale prévoyant la part de la veuve et de l'orphelin.
- propreté de la ville : la ville devait rester toujours propre
et chaque habitant participe au nettoyage en balayant, en enlevant
les mauvaises herbes, les antily veillaient à ce que les règles
de propreté soient bien respectées et faisaient une inspection
tous les 3 jours.
Les malades contagieux devaient quitter la ville pendant 3 mois.
- la forêt bénéficiait de mesures de protection sévère car considérée
comme une richesse essentielle du pays. En effet, elle fournit
du bois pour la construction des maisons, elle nourrit la veuve
et l'orphelin etc.
Il était formellement interdit de : brûler la forêt / d'y couper
du bois / d'y ramasser du bois à brûler à l'exception des foyers
où il y avait une naissance.
- solidarité : les plus démunis (veuve, orphelin ..) bénéficiaient
de l'entraide de la communauté.
La fontaine d'Andranomboahangy,
située à mi-pente était réservée aux femmes enceintes car il leur
était pénible de descendre jusqu'au fond des vallons pour y puiser
de l'eau.
- Les travaux d'intérêt général se faisaient par l'intermédiaire
de la corvée.
- Il était interdit d'y introduire de l'alcool et du chanvre ainsi
que tous les produits fady, d'entrer dans le village autrement
qu'à travers les vavahady etc.
- les sanctions allaient du paiement d'une amende (piastre d'argent,
un bœuf) à la peine de mort.
CONCLUSION :
Ambohimanga
petite commune de 12000 habitants est aujourd'hui à la recherche
d'un second souffle, elle reste pour l'Imerina un lieu sacré,
dernier grand témoin de son passé et de ce fait, porteur de souvenir
et d'espoir. On constate un regain d'intérêt à son égard surtout
après l'incendie du palais de la reine qui l'a rendu infiniment
précieuse car désormais unique. Elle a reçu 60.000 visiteurs en
2001 (15.000 en 1994). Un bon tiers de ces visiteurs, les mpanasina,
y sont venus pour faire des offrandes, invoquer les ancêtres.
Le site est classé Patrimoine culturel Mondial par l'UNESCO depuis
décembre 2001.
Source : Association Mamelomaso BP 8656 101 Antananarivo
http://www.mamelomaso.org/
Les chrétiens et Ambohimanga en 1862.
Les archives de la justice royale, du début du règne
de Radama II, conservent les minutes assez détaillées
d’un procès où sont consignés des éléments
précis que l’hagiographie missionnaire n’a
pas, à ma connaissance, retenus et qu’elle n’a
pas voulu ou pas su analyser. Des chrétiens d’Ambohimanga
intentent un procès aux autorités civiles et militaires
de la ville qui se sont opposées à la tenue d’un
culte à l’intérieur des fossés de la
cité, c’est-à-dire dans un espace traditionnellement
considéré comme sacré pour tout le Royaume.
Les missionnaires de la London Missionary Society avaient été
accueillis par Radama Ier dans son entourage immédiat non
pour évangéliser mais pour instruire et apprendre
à lire et à écrire : c’est ce qu’ils
firent, mais en préparant la création d’une
communauté chrétienne par l’utilisation des
textes bibliques. Ranavalona I°, confrontée aux comportements
politiques et sociaux des baptisés malgaches, n’avait
pas tardé à revenir sur l’autorisation qu’elle
avait donnée aux missionnaires de baptiser, et elle avait
interdit tout prosélytisme et toute conversion. Elle sera
dès lors l’objet des attaques les plus injustes.
Les positions de son fils RakotondRadama étant connues,
son avènement était attendu, tant chez les protestants
anglais que chez les catholiques français, avec l’espoir
que le pays serait à nouveau ouvert et que le mouvement
d’évangélisation pourrait alors reprendre.
Cet espoir ne fut pas déçu et le travail missionnaire
put très vite reprendre.
Pour les protestants et notamment pour le Révérend
Ellis , qui avaient une grande avance sur les catholiques, un
des objectifs était l’installation d’un lieu
de culte et d’une communauté chrétienne à
Ambohimanga,
premier symbole de la dynastie. L’opération fut menée
tambour battant. Le jeudi 20 novembre 1862 et premier jour d’Alakaosy,
six mois après son arrivée à Antananarivo
le 16 juin 1862, Ellis entre dans Ambohimanga
avec une procession de chrétiens chantant des cantiques
et inaugure un lieu de culte à l’intérieur
des fossés. Mais les autorités civiles et militaires
en ayant ensuite refusé l’accès aux "priants",
ceux-ci leur intentèrent un procès.
Ambohimanga, capitale religieuse
Dans la symbolique du Royaume, en effet, la cité d’Ambohimanga
tient une place privilégiée. La nouvelle dynastie
fondée par Andrianampoinimerina avait fait sienne la formule
du fondateur : "Ambohimanga
nanjaka’ko ary Antananarivo namoria’ko". Donnée
dans les Tantara ny Andriana du Père Callet, la formule
a été dotée, par Chapus et Ratsimba dans
l’Histoire des Rois, d’une traduction erronée
qu’ont reprise sans discussion les historiens postérieurs,
même de ceux qui font autorité dans le monde universitaire
francophone. Leur ignorance de la langue ou leur paresse les a
conduits à prétendre citer le Tantara ny Andriana,
quand ils n’en citent que la traduction ou, par son titre
en français, l’Histoire des Rois.
"C’est en étant à Ambohimanga
que j’ai accédé au fanjakana et en étant
à Antananarivo que j’ai rassemblé ",
ou "... que j’ai rassemblé ", pourrait
en être une traduction. Si Ambohimanga
et Antananarivo sont associées dans le rassemblement de
l’Imerina et le bonheur du peuple qui était le but
de cette unification, la première est en quelque sorte
la capitale religieuse du Royaume, alors que la seconde en est
plutôt la capitale politique.
Ambohimanga,
objet de multiples prescriptions , elle est notamment interdite
aux étrangers , demeurait le conservatoire d’un monde
idéal de référence, tout comme l’est
aujourd’hui, pour le pays sihanaka, la cité d’Anororo
ou, mieux encore, le monde invisible d’Andrebabe. Elle avait
été le siège d’anciennes dynasties,
notamment celle dont le fito miandalana se trouve à Mahazaza.
Parmi les successeurs d’Andrianjaka, elle avait reçu,
notamment, les sépultures d’Andriambelomasina, d’Andrianampoinimerina
et de Ranavalona I°. Dans les généalogies, Andriambelomasina
fut le grand roi après Andriamasinavalona, Andrianampoinimerina
le fondateur de la nouvelle dynastie qui, dans la mémoire
populaire, fit oublier le passé et auquel toute l’histoire
fut dès lors rapportée, Ranavalona I° la grande
reine qui poursuivit l’unification et qui défendit
la souveraineté du pays contre les multiples agressions
étrangères.
Antananarivo, quant à elle, était soumise aux aléas
des exigences d’un monde qui commençait à
se mondialiser : elle était plus ouverte aux nouvelles
idées et aux hommes, notamment aux étrangers ; elle
accueillait aussi les représentants des diverses régions
de la Grande Ile. Et, après celles des rois depuis Andrianjaka,
son rova abritait la dernière demeure de Radama Ier, symbole
de l’ouverture aux nouveautés du monde.
Un grand monarque tourne le dos
Sentant ses forces diminuer, le grand Andrianampoinimerina décide
d'aller à Anosifito pour "consulter son ombre".
II s'arrête d'abord à Ampitantelo, près d'Andrainarivo,
sur le territoire des Zanakandrianato qui viennent lui offrir
le "hasina", marque de sa souveraineté, ainsi
que du ravitaillement pour la route.
Arrivé à Anosifito, il se dirige vers la source
de la Mananara, lieu sacré pour consulter son ombre, en
se mirant dans l'eau. De là, il se dirige vers Ambodivato
pour la même raison. A chaque fois, il semble découragé,
ce qu'il y voit le rend pessimiste. II ne devra "tourner
le dos" qu'un an plus tard car, selon la croyance populaire,
un monarque décède un an après être
allé à Anosifito.
Dès qu'il rentre à Ambohimanga,
il commence à se sentir maladif et devient de plus en plus
distrait, "lasalasa ambiroa". Evidemment, les gens du
Palais et les émissaires royaux croyant sans doute qu'il
leur survivra étant donné son charisme, sa gloire
et son pouvoir accusent les Zanakandrianato d'avoir provoqué
sa maladie. Zanakandrianato qui sont convoqués sur le champ,
non pas parce que le Roi doute d'eux, mais pour les laver de tout
soupçon. Ils passent un jugement par le tanguin pratiqué
sur des poulets, qui y survivent.
Comme leur accusation n'est pas fondée, c'est au tour des
hommes du palais de subir une ordalie, directe cette fois-ci:
le chef des "tandonaka" en meurt. Mais cela ne guérit
pas pour autant le Roi, qui décède au bout d'un
an de maladie, à la fin de la saison pluvieuse 1810.
Quand le moment approche, Andrianampoinimerina réunit sa
parenté et les grands du Royaume "qui l'ont soutenu
dans la réunification du Royaume légué par
Andriamasinavalona, dans la consolidation, l'extension et la préservation
de sa souveraineté". II leur annonce le nom de son
successeur, Laidama "qui n'est pas sorti de mon ventre, mais
de ma bouche, car il m'a été donné par Zanahary",
celui qui, malgré son jeune âge, "a déjà
fait preuve de sa bravoure et de sa maturité". "Je
vous le confie, mais laissez-le, cependant, vivre sa jeunesse,
il est assez sensé pour distinguer le bien du mal".
Le lendemain, c'est au tour de ses épouses et de ses enfants
de l'entourer. Après avoir confirmé que Laidama
lui succédera, il lui donne ses ultimes conseils: s'occuper
des épouses et des concubines de son père, préserver
le Royaume et l'étendre jusqu'à la mer, régner
avec sagesse en recourant aux conseils des grands du Royaume avant
toute prise de grande décision, et se faire aimer de ses
sujets. II conclut en annonçant son souhait d'être
"caché" auprès de ses ancêtres à
Ambohimanga,
tout en précisant que Laidama, lui, le sera à Antananarivo,
dans le Fitomiandalana.
Quand Andrianampoinimerina tourne le dos, selon la coutume, on
proclame d'abord le nom de son successeur avant son décès.
Au nom de Laidama, les sujets ovationnent et lui promettent fidélité,
"car tu as été choisi par Andrianampoinimerina
". Radama, de son côté; les rassure: "Si
vous respectez les paroles de mon père, je vous assure
protection et bonheur".
Comme de tradition aussi, certains sujets "qui en ont besoin",
sont purifiés par le tanguin, notamment "ceux suspectés
d'avoir provoqué la maladie d'Andrianampoinimerina"
les uns en survivent, les autres en meurent; les descendants de
ces derniers sont maudits et "bon nombre deviennent lépreux".
Tous les hommes se coupent les cheveux pour marquer le début
du deuil avant que le "masina" (dépouille mortelle
du Roi) ne soit transporté au palais Besakana du Rova d'Antananarivo
où se tiendra, pendant une semaine, la veillée mortuaire.
Les sujets accourent de tout l'Imerina élargi et campent
par territoire : les Avaradrano à Ambatomena (Mahazoarivo),
les Vakinisisaony à Ankadimbahoaka, les Ambodirano du côté
d'Anosizato, les Vakinankaratra près des Ambodirano, les
Marovatana et les Vonizongo à Andohatapenaka.
Dans la journée, femmes et enfants montent au Rova pour
pleurer, tandis que les hommes tirent des coups de fusils. Quand
vient la nuit, c'est aux hommes d'aller au Rova pour se relayer
en une garde d'honneur autour du Besakana. En moyenne, 200 boeufs
gras des troupeaux royaux et 300 dans la nuit, sont abattus pour
nourrir le peuple. Leurs os et leurs cornes sont profondément
enterrés, selon les directives du Roi défunt, "pour
qu'ils ne soient pas éparpillés et dévorés
par les chiens". Plus tard, Radama fait déterrer les
cornes pour en fabriquer des cuillères, et les sujets s'y
précipitent.
Au bout d'une semaine, on ramène le "masina"
à Ambohimanga
pour être caché dans la "Tranomasina"érigée
par les Zanadahinarivo, après avoir été recouvert
par des dizaines de linceuls (10 par territoire et 10 donnés
par les Havanandriana comme le veut la loi, sans compter ceux
offerts par les simples sujets) et déposé dans la
pirogue d'argent fabriquée par les Andrianteloray. On le
cache à Mahandrihono, au nord du caveau de son grand-père
Andriambelomasina, et selon la tradition, cela se fait de nuit,
en comité restreint, tandis que les sujets se prosternent
de loin. Le deuil durera un an.
Une mesure passée ... sous silence par les anciens,
est le "Tovon'Andriana"
tige mince en argent correspondant à la hauteur du roi
Cette mesure en argent n'avait que quelques millimètres
de section et était constituée de trente piastres.
Elle peut être rapprochée
de la gaulette du roi, en usage dans les îles. II est fort
regrettable que lors de l'exhumation des objets de la tombe d'Andrianampoinimerina
en 1897, personne n'ait songé à la mesurer avant
qu'elle ne disparaisse à tout jamais. On peut penser que
c'est cette mesure qui servit à rallier une partie du Betsileo,
lorsque les deux souverains avaient décidé que le
plus grand serait l'aîné et règnerait sur
le cadet, plus petit. Andrianampoinimerina fut reconnu le plus
grand, et de ce fait devint le maître d'une partie du Betsileo.
Mesures de capacité
Après la pesée de l'argent, le roi imposa de nouvelles
mesures de capacité pour le riz. II existait bien depuis
fort longtemps une mesure de capacité type; c'était
la "vata". Malheureusement, cette mesure n'était
pas bien reproduite par les fabricants de corbeilles. Aussi, le
roi décidat - il de faire détruire toutes les Vata
en usage, et en imposa une autre, la vata "menalefona",
ce fut la mesure étalon. II envoya sur les marchés
douze Tsierondahy bourreaux, avec ordre de mettre à mort
tous les marchands n'employant pas la nouvelle mesure.
Dans un royaume où tout est basé sur le riz, cela
peut se justifier. Mais le roi est confronté à un
dilemme ... II existe une autre vata royale, mais plus petite
et instituée par son père, le roi Andriambelomasina
lors de la grande famine qui ravageait le royaume. Ne pouvant
désavouer son ancêtre royal, le roi décide
que cette mesure sera employée où elle a été
créée: à Kaloy,
et uniquement là.
La civilisation du riz va vraiment atteindre son apogée
sous ce roi, il va apporter la plus extrême attention pour
tout ce qui touche le riz. II dit: "J'en viens à vous
les marchands de riz; nombreux sont les pauvres qui n'ont pas
les moyens d'acheter une grande mesure de riz, mais seulement
la moitié, le tiers, le quart ou le cinquième. Quand
ils viennent sur le marché, vous les faites souffrir. Si
vous faites cela, vous ne vendrez plus sur les marchés,
la vente sur les marchés doit permettre aux pauvres et
aux orphelins de vivre".
Pour mieux aider le peuple, il fixe le prix du riz : cinq petites
mesures valent quatre vingt centimes, le famarana en vaut quatorze,
la grande mesure vaut cinq francs soixante ou six francs.
Prélèvements sur les marchés
Très vite, le succès des "tsena", marchés
va crée chez les notables responsables des différents
groupe Ambaniandro une envie: prélever sur les marchés,
comme leur rang de naissance ou de commandement leur en donne
le droit ancestral.
Hagamainty, conseiller du roi est le premier à s'opposer
aux notables rassemblés au Rova. II va le faire avec conviction
et ardeur, comme tout ce qu'il fait ou dit. Mais comme de coutume,
la demande est indirecte: "Les marchés sont prospères,
vous pouvez prendre pour vous de toute sorte ô roi'. Le
roi de demander: "Que prendrons nous ?", et les notables
de répondre "depuis le manioc jusqu'à l'esclave".
Ch. G. Mantaux et H. Katsimieb Copyright L'Express de Madagascar |