Andranoro un haut lieu du culte des ancêtres
à Ambohibao Antehiroka
Parce qu'elle a disparu dans les eaux de la Mamba on lui donna le nom
de "fille du fleuve" Mais derrière cette appellation
évocatrice d'une image mythologique c'est d'une grande figure du
culte des ancêtres, Ranoro qu'il est surtout question. Et son nom
est indissociable de celui d'Andriambodilova son époux. Celui par
qui sa légende naquit, dans la deuxième moitié du
17ème siècle.
Si le tombeau d'Andriambodilova devint un lieu de culte qui attire jusqu'à
nos jours de nombreux fervents au sommet de la colline d'Anosisoa, à
2 km plus loin, au nord-ouest, Ranoro est aussi l'objet d'un culte très
vivace, à Ambohibao Antehiroka, sur un site quasi éponyme
du nom d'Andranoro.
Ici, Razaiarisoa accueille les visiteurs avec prudence. Ses derniers doutes
repoussés, elle affirme avoir été désignée
par les mânes de Ranoro, il y a trente ans, pour être la gardienne
des lieux. Elle y réside du reste, et veille à ce que les
lieux soient respectés par tous ceux qui souhaitent y vénérer
celle qu'elle considère comme l'unique souveraine de tout le royaume.
La présence du visiteur acceptée, et son intention connue,
Razaiarisoa prononce une incantation de bienvenue devant un autel où
trône un tabernacle. On peut y voir une statuette de la Sainte Vierge,
mais aussi un peu de terre sacrée et surtout, de nombreux miroirs.
Avare de paroles, Razaiarisoa n'en dira pas plus."Je mentirais si
je disais depuis quand ce Doany existe"coupe-t- elle court, renvoyant
les visiteurs à un certain Ranarivelo, le véritable maître
de cérémonie, et détenteur de tous les secrets, s'il
en est, de ces lieux. En son absence, Clément Rarivoarison, qui
assiste Razaiarosoa dans l'entretien du site, nous fit te tour du propriétaire.
Il est impératif de quitter ses chaussures avant de pénétrer
dans t'enclos, par un portail fraîchement blanchi. Tout semble d'ailleurs
régulièrement entretenu dans ce lieu où règne
une atmosphère à la fois de crainte et de respect. De très
vieux arbres, dont un pied de lilas au tronc éprouvé par
le temps et aux branches profondément fendillées, et un
jamblonnier en pleine floraison, offrent leur ombre à l'autel qui
accueille les offrandes. Comme Andranoro est un véritable lieu
de culte où tes mânes de tous tes ancêtres et surtout,
de tous les souverains peuvent être invoqués, on y trouve
un endroit dédié à Ranavalona l°, un autre aux
rois Sakalava du Menabe, un autre encore, nommément au roi Andriamanalimbetany
du Betsileo. Le célèbre et énigmatique Rakotomaditra,
y est aussi vénéré. Son culte est célébré
au fond d'une petite grotte naturelle qui ne livre qu'à moitié
le secret de cet homme qui aurait été le fils aîné
de Ranoro. Il fut connu sous trois noms différents, Rakotonanahary
à sa naissance, puis Rakotomahery quand il fut un redoutable chef
militaire, et enfin, Rakotomaditra quand il se laissa aller à la
luxure ! Ceux qui partagent son goût et approuvent son penchant
pour la décadence, lui apportent tabac et alcool à la nouvelle
lune, quand leurs voeux sont exaucés...
Oui, à Andranoro, il n'est pas seulement question de culte des
ancêtres, mais aussi de célébration des joies de l'existence.
Ranoro et Andriambodilova se rencontrèrent sur les rives de la
Mamba. Séduit par la grande beauté de la jeune fille, celui
qu'Andrianjaka a «chassé » d'Analamanga en «l'exilant»
à Ambohimanarina, demanda à la belle Ranoro de l'épouser.
Elle accepta, mais à une condition : que son soupirant s'engage
à ne jamais prononcer le mot "sira", qui lui rappelait
le patronyme sacré de son père, Andriantsira de son nom.
Le pacte fut rompu par Andriambodilova, qui dans un accès de colère,
prononça le mot interdit, en traitant son épouse de "fille
du sel". Sur ces mots du mari courroucé, elle abandonna aussitôt
le toit conjugal, prit une barque et disparut à jamais dans les
flots...
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