Des défis lancés à Andrianampoinimerina à la conquête du sud-est de l'Imerina
Quand le roi d’Ambohimanga se décide à conquérir le sud-est de l’Imerina, il en profite pour passer par Ambohipeno. Arrivé à Ambohinierana, à l’est de cette colline, il demande aux seigneurs des Tahiamanangana si la terre est pacifiée. À quoi ils rétorquent: Pourquoi parler ainsi alors qu’on est entre souverains. Et ils tirent sur Andrianampoinimerina qu’ils blessent à la cuisse.
Ce dernier entre alors dans une colère noire. Même si vous persistez dans votre entêtement, je le serai plus que vous et je n’aurai de cesse que de placer Ambohipeno sous ma domination, car vous avez versé mon sang. Mais comme l’objectif initial de cette campagne est Alasora, le souverain et ses hommes ne s’y arrêtent pas plus longtemps.
Ils arrivent à Ambalanirana qu’ils attaquent. Le village lui oppose une très grande résistance et la conquête, dit-on, se fait dans un véritable bain de sang. C’est là qu’est pris Andrianavalonjafy, roi d’Alasora et grand-oncle du pacificateur de l’Imerina. On ne le tue pas, mais on le garde à Haramy, à l’est d’Ambohimanambola.
Selon la tradition, aucun souverain ne monte à l’assaut d’Haramy. C’est sur cette colline que l’on place à résidence fixe tous les rois vaincus dont Andrianavalonjafy. Quand le territoire est pacifié, Andrianampoinimerina le déplace à Vohilena, au nord, où il meurt, mais on l’enfouit à Ambohimanatrika.
Andrianampoinimerina se dirige ensuite vers Alasora. Il pose la même question qu’à Ambohipeno, mais les habitants ne sont pas belliqueux : Les enfants ne se battent pas contre leur père. Il faut dire qu’Andrianampoinimerina prend la fille d’Andrianavalonjafy, Ramanantenasoa, pour épouse afin de faciliter sa conquête du Vakinisisaony. En même temps, il se marie avec la jeune cousine de Ramanantenasoa, Rabodizafimanjaka, fille d’Andriantsira, qu’il installe à Antsahadinta.
Après Alasora, le roi d’Ambohimanga et d’Antananarivo s’attaque à Ambohitraina. C’est une haute colline bien protégée, véritable forteresse très difficile à prendre d’assaut. Avaradrano et Imarinatsimo s’y lancent cependant mais en vain, et dans leurs rangs, il y a beaucoup de pertes humaines. Andrianampoinimerina utilise alors une autre stratégie. Il poste ses hommes autour des puits et sources situés hors des remparts et dès que les villageois viennent y prendre de l’eau, il ne les fait pas prisonniers.
Il leur dit simplement : En avez-vous assez d’être heureux, voulez-vous donc devenir des esclaves que vous refusiez de me rejoindre Portez mon message à votre village : qu’il n’y ait qu’un souverain pour que tous les Merina vivent en paix. Et dites à vos chefs : vous serez malheureux si, chaque jour, vous devez vivre dans l’angoisse d’un assaut.
Quand les grands d’Ambohitraina apprennent ce message, ils jugent opportun de reconnaître la souveraineté du roi d’Ambohimanga et d’Antananarivo, tant que l’on est encore en vie et en liberté. Tout se termine par un serment d’allégeance. Andrianampoinimerina fait d’Ambohitraina, l’Ambohimanga du Sud.
Mais si Alasora et Ambohitraina sont conquis, Tsiafahy persiste dans la résistance, ne faisant pas confiance aux différents émissaires envoyés par Andrianampoinimerina. Il lance même un défi : Cette terre-ci, qui regroupe les Maroandriana (nombreux seigneurs) ne se pliera jamais. À la force, nous opposerons la force, car Dieu en a donné à tous. Andrianampoinimerina se décide à conduire lui-même ses hommes, procédant comme à son habitude : d’abord pourparlers, ensuite combat. Je suis venu vous réunir car, tôt ou tard, avec vos nombreux seigneurs, la guerre intestine éclatera parmi vous. Et si cela arrive, ce sont les seigneurs qui s’engraisseront au détriment du peuple. Dieu veut qu’il n’y ait qu’un seul souverain pour le bien du peuple.
Les seigneurs de Tsiafahy martèlent alors que chacun a hérité du nom de son père, aussi aucune concession n’est-elle tolérable! Mais le peuple, surtout les femmes, refuse cette obstination et conduit par les loholona, il rejoint le roi de l’Imerina qui, malgré la puissance des Maroandriana, les a vaincus par la justice.
La pire insulte lancée à Andrianampoinimerina
Lorsque le roi de l'Imerina décide de s'attaquer à Ambohidranandriana. À environ 5 km d’Antsirabe, il est notamment accompagné des Zanadrangorinimerina (guerriers du clan de sa grand-mère maternelle, Rangorinimerina). Quand son armée s'approche, tous les habitants se barricadent dans le village bien protégé.
Comme à son habitude, le Roi commence à appeler les princes locaux, les Andriamasoandro, à se soumettre sans lutter. Voici ce qu'en dit le R.P. Callet dans son Tantara ny Andriana eto Madagascar. Venez à moi, vous êtes mes enfants, car Dieu m'a donné ce pays et ce royaume.
Mais les Andriamasoandro rétorquent: Le rendez-vous n'est plus donné au Nord (en Imerina) car chacun a été enfanté par son père pour devenir un homme. Et un homme ne sert pas un autre homme. Puis ils ajoutent: Montez car la tête du bœuf est cuite.
Pour le roi de l'Imerina, c'est un véritable crime de lèse-majesté. C'est la pire insulte que les Andriamasoandro peuvent lui faire, la tête étant le plus mauvais morceau de la viande de bœuf.
De surcroît, il se situe à l'opposé du vodihena (culotte) que l'on offre aux souverains merina en signe de respect, sinon on risque la mort.
Néanmoins, le roi réitère son appel, mais la réponse ne change pas. Le combat s'engage alors car les assiégés refusent de se soumettre. La bataille est rude jusqu'à la chute du village.
Le R.P. Callet poursuit: Andrianampoinimerina y installa les Zanadrangorinimerina vaillants guerriers, et leur donna Bekaka et Lavadrano, c'est-à-dire la quasi-totalité du fief d'Ambohidranandriana.
Les princes Andriamasoandro, comme tous descendants nobles, ont eu un Lapa appelé Tranomparantsa. Emmanuel Fauroux de l’Orstom rapporte dans son livre (Le Royaume d'Ambohidranandriana, archéologie et traditions orales) le témoignage d'un villageois qu'il a interrogé sur la destruction de ce palais.
C'était à l'époque de la révolte de Rabezavana et de Rainibetsimisaraka (des chefs Menalamba). Les pacificateurs passèrent par Ambohidranandriana. C’étaient des soldats arabes. Celui qui les commandait, demanda au chef du village d'alors de lui donner du bois mort. Celui-ci qui désirait montrer sa bonne volonté, entreprit alors de détruire le lapa car on ne trouvait pas de bois et le lapa était déjà presque en ruines. Quand il voulut commencer à y toucher, il arriva un grand tourbillon de vent qui le projeta jusque sur le mur du Kianja (la Grand-Place au bord de laquelle a été érigé le Lapa). À partir de ce moment, il ne voulut plus y toucher. Le Lapa fut, cependant, détruit à ce moment.
Et si nous parlons du Goliath de la contrée, appelé Rainimahazo C'est le successeur de Ramboavahiny, sorcier-devin d'Ambohidranandriana, originaire d'Ambatolevy, dans l'Imamo, là où Andriamasoandrobe s'est installé en quittant l'Ankova au début du XVIIe siècle. Comme son prédécesseur, Rainimahazo gardait le portail avec une puissance et une force surnaturelles.
À preuve, du haut d'Ambatobe (qui fait partie du massif de l'Ankay ou Ankarana), la légende raconte qu’il aurait shooté dans un disque de pierre qui aurait atterri dans les rizières situées à 4 km en aval.
Il lui revient également de porter à la Cour d'Antananarivo le vodihena dû à la Reine. Il met une semaine pour faire l'aller et le retour à pied. Avant son départ, il avale toute la nourriture qu'il devra manger en chemin, soit 18 kg de riz et une moitié de porc.
De même, il tarit la source qui porte actuellement son nom (Ambohimahazo). Tout cela pour ne pas perdre de temps à s’arrêter pour manger et se désaltérer durant son voyage.
Rainimahazo se distingue enfin par son art d’abattre à mains nues les taureaux les plus indomptables qui tuent les toreros locaux.
Andrianampoinimerina à la conquête Ambohidranandriana
Dans sa politique de réunification et d'agrandissement de son royaume, Andrianampoinimerina (1745-1810) se tourne vers l'Andrantsay, dans l’actuel Vakinankaratra. Accompagné de son fils Laidama qui lui succèdera sous le nom de Radama Ier et qui fait son baptême du feu, il veut prendre Fandanana, place forte où règne Andriamanalina-Betsileo.
La bataille est rude et finalement le roi de l'Imerina rentre bredouille dans sa capitale. Il revient un an plus tard, divisant ses troupes en deux groupes dont l'un est conduit par son fils. Celui-ci doit arriver par l'Ouest et Andrianampoinimerina par l'Est. Le roi passe par Ambodiala qu'il vainc facilement. Il partage à nouveau ses troupes et envoie une partie à la rescousse de son fils. Puis il atteintt Manazary et Ambohidranandriana. Il est accompagné des Zanadrangorinimerina (Fils de Rangorinimerina du clan de sa grand-mère maternelle), des Tantsaha et des Manisotra, tous de vaillants guerriers. Aussitôt qu'il s'approche avec son armée, tous les habitants se barricadent dans le village bien protégé
.Comme à son habitude, Andrianampoinimerina commence par négocier en appelant les descendants d’Andriamasoandro, fils de Ralambo avec sa troisième épouse, à se soumettre sans lutter. Ceux-ci refusent. Le roi réitère son appel mais en vain. Le combat s'engage alors. La bataille est rude. Le roi est même blessé durant les assauts. Au bout de cinq jours, les Andriamasoandro connaissent une défaite cuisante à la suite de la mort de leur chef, Andriamanimahamiry, mais aussi et surtout parce que le souverain merina coupe tout le système d'adduction d'eau dans le village. Celui-ci tombe, ouvert, dit-on, par le Conseil des Sages face au problème crucial né de la coupure de l'eau.
Andrianampoinimerina installe les Zanadrangorinimerina et leur donne Bekaka nom donné à la plaine d'Ambohimanarivo, et Lavadrano, ensemble des rizières d'Ambohidranandriana et d'Ambohitsimanova. C'est-à-dire la quasi-totalité du fief d'Ambohidranandriana à l'exception de Tongarivo.
Et comme le seigneur est mort au combat, Andrianampoinimerina décréte que ses fils (tous ceux qui portent le nom du père ou Zanadray) seront dépossédés de tout domaine pour avoir tiré sur lui. Cette mesure ne touche toutefois que la famille d'Andriamanimahamiry qu'il relègue parmi les Havanandriana sans fief, et non tous les Andriamasoandro, indique Emmanuel Fauroux.
En outre, à l'époque prononcer le nom du seigneur vaincu est tabou. Certains historiens affirment que son corps est même laissé sans sépulture. Mais d'après les Zanadray actuels, il est enseveli au nord-est du Kianja, grande place située au zoro firarazana, coin sacré des Malgaches en général, des Merina en particulier, à sa demande.
Car il aurait précisé, de son vivant, qu'il souhaite être enterré tout simplement, là où son peuple pouvait le voir. Avec la conquête merina, les travaux de mise en valeur des vastes plaines fertiles d'Ambohimanarivo, en grande partie délaissée jusque-là car elles étaient indéfendables contre d'éventuelles agressions, se poursuivent puisqu'il n'y a plus d'ennemis à craindre. Une garnison de soldats merina y est même installée et le village devient le centre politique et administratif aux dépens d'Ambohidranandriana.
Une tendance à la division apparait alors. Cela se constate surtout à l'essaimage des tombeaux. Le tombeau d'origine commune se trouverait à Miadanimerina où aurait été enseveli Andrianjafimasoandro, descendant direct d’Andriamasoandro, décédé lors de la marche des Andriamasoandro vers Ambohidranandriana. Outre cette tombe, les plus anciens tombeaux de la contrée (hormis celui des Andrianove) sont les trois que l’on trouve à Ambohimitsivalana.
Emmanuel Fauroux explique ces « tombeaux des trois frères » comme appartenant tous aux Andriamasoandro. Celui des Zanadray est situé le plus au nord car ils sont de la lignée aînée; celui des Marolahy se trouve au centre; et celui des Maromena, de la lignée cadette, est construit au Sud.
Toutefois, les Zanadray actuels soutiennent que seule leur lignée est issue d'Andriamasoandro et que derrière les termes « trois frères », il faut surtout entendre frères de sang, le départ de l'Imerina s'étant fait sur la base d'un pacte reliant les Andriana à leurs dépendants.
Dans tous les cas, à l'origine il n'y a qu'un seul Famadihana, les trois tombeaux étant ouverts simultanément. Par la suite, à partir de 1860-1880, les lignées organisent des cérémonies séparées. Puis les deux tombeaux du nord s'avérant trop petits, deux autres sont bâtis: celui dit Rafilibera pour les Zanadray et celui d'Ambohimanatrika pour les Marolahy. Beaucoup plus tard, la mésalliance commence à se voir parmi les Andriamasoandro qui veulent préserver leurs descendants des conséquences physiques et mentales de l'endogamie. Le tombeau des Zanadrainy à Ambohimitsivalana n'est plus ouvert, même pour les exhumations, car les dépouilles des ancêtres ne peuvent être touchées par des personnes qui n'ont plus le « sang pur ». En revanche, le tombeau d'Amboninandrainarivo dit Rafilibera est toujours utilisé.
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