Les Douze collines sacrées, fruits
de décisions royales
Les Collines sacrées, dont le statut relève surtout
de décisions royales, sont une des caractéristiques
de l'Imerina.
C'est Ralambo, écrit en 1974 Bruno Razafindrakoto-Hasina
(Bulletin de Madagascar n°331) qui, le premier, invoque les
ancêtres royaux et les montagnes où ils ont régné
et sont enterrés. Si ses raisons ne sont pas bien explicites,
ses successeurs adoptent cependant la formule. Il faudra pourtant
attendre Andrianampoinimerina pour que «l'invocation des
Douze collines et des Douze qui ont régné»,
soit codifiée.
Les «Tantara ny Andriana eto Madagascar» du R.P.
Callet en distinguent six sortes.
Il y a d'abord les collines des «Douze qui ont régné»
:
Ampandrana avec Rafandrana
Merimanjaka
avec Rafohy et Rangita
Alasora avec Andriamanelo;
Ambohidrabiby avec Ralambo
Antananarivo avec Andrianjaka, Andriantsitakatrandriana,
Andriatsimitoviaminandriandehibe, «Andriamasinavalona le
grand et Andriamasinavalona son fils qui a ramassé en un
le cœur de l'Imerina»; Ambohimanga
avec Andriatsimitoviaminandriana et Andriambelomasina.
Andrianampoinimerina explique son choix: «Je suis le successeur
de tous ceux-là, c'est moi qui hérite maintenant,
qui succède aux Douze qui ont régné».
Les Collines des ancêtres royaux parents sont aussi sacrées
car elles sont «les cases-saintes où sont enterrés
les ancêtres royaux»:
Ambohidratrimo avec Ramorabe
Ilafy avec Andrianjafy
Namehana avec Andrianambolanambo.
Les Collines des ancêtres royaux amis se trouvent dans l'Itasy
:Ambohiniazy où est
enterré Andriambahoaka et
Ambohitrondrana avec Andriamary.
Les résidences de personnages importants sont
Kaloy où les parents d'Andrianampoinimerina ont habité
et sont enterrés;
Amboatany, fief du chef militaire Andriamaheritsialaintany,
mais elle ne conserve son rang que jusqu'à la mort de ce
dernier;
Imerimandroso, une marche de l'Ouest gardée par Andrianamboamanjaka,
frère du seigneur d'Amboatany
.
Les «Tantara...» citent aussi Ambohidrontsy
ou Ambohihontsy,
«car c'est la terre où est né Andriambelomasina
son grand-père, car là sont enterrés le placenta
et les membranes de tout descendant de Rangorinimerina, présumée
soeur d'Andriatsimitoviaminandriana, roi d'Ambohimanga».
A cela s'ajoutent les collines des Douze femmes royales
. Il est à préciser que les «Tantara...»
excluent Ambohitrasina où vit Rabodonimerina, Ambohitrimanjaka
(Ramisavola), Ambohipoloalina
(Ramiangaly) et Tsiafahy (Rasamoma).
En revanche, font partie des Douze collines Ambohijoky
(Rabodonizimirahalahy), Fenoarivo (Ravaonimerina), Ambohidrabiby
(Rasendrasoa), Alasora (Ramanantenasoa
qui sera exilée à Kaloy) et Ambohidratrimo
(Rambolamasoandro, mère de Radama 1er).
D'après le livre d'Andriamarosata (1967), deux autres épouses
auraient résidé à Fenoarivo, Ravolamisa et
Razafitrimo. Quant à la douzième femme, Rabodozafimanjaka,
elle ne serait associée à aucune colline. Pour Bruno
Razafindrakoto-Hasina, l'explication à donner à
cette distinction serait dans l'importance du rôle politique
que jouent ces épouses. Telle «Rambolamasoandro d'Ambohidratrimo
pour l'héritage qu'elle va léguer à un fils
du roi».
D'autres sources donnent également les Douze collines arrêtées
par Andrianampoinimerina. Mais Callet Rabenjamina, Raonisaona
et Rainianjanoro sont unanimes sur six montagnes: Alasora,
Ambohimanga, Ambohidrabiby,
Antananarivo, Ilafy et Ambohidratrimo.
Antsahadinta n'est pas citée par Callet. Namehana est rejetée
par Rabenjamina et Raonisaona. Rabenjamina et Callet occultent
également Iharanandriana.
Rabenjamina ne parle pas non plus d'Ampandrana.
Par contre, Ambohijoky, Amboniazy,
Merimanjaka
et Kaloy sont citées trois
fois et Ambohitrondrana,
deux fois.
Soit finalement, 21 Collines sacrées!
Un rôle politique pour les Collines sacrées
Les Douze collines sacrées (ou 21) ont toutes un point
commun : leurs habitants sont sujets directs du roi. Toutefois,
chacune a des prérogatives spéciales.
Les aînées des Douze montagnes sont les seules invoquées
dans les prières. Il s'agit d'Ampandrana, Merimanjaka,
Alasora, Ambohidrabiby, Antananarivo et Ambohimanga.
Les montagnes à «ombivolavita» sont celles
vouées aux ancêtres. Lors de la célébration
du «Fandroana», le roi leur offre de son cheptel bovin,
les «ombivolavita». Mais la livraison des animaux
suit un ordre établi: Ambohidrabiby,
«Hasin'Imerina», est la première à être
servie; suivent Ambohimanga,
Antananarivo, Ambohidrontsy,
Alasora,
Ambohidratrimo, Ilafy et Namehana.
Andriantsoba a sa «Tranomanara», de même Andriatsileondrafy,
mais leur résidence n'est pas au rang des Collines sacrées,
«car ces seigneurs n'ont pas droit aux «ombivolavita»
(Bruno Razafindrakoto-Hasina, 1974). En revanche, Ralainanahary
et Andriamasy reçoivent aussi des «ombivolavita».
Pour Bruno Razafindrakoto-Hasina, la liste des «Tantara
ny Andriana eto Madagascar» est la plus conforme aux volontés
d'Andrianampoinimerina. Elle comprend 15 collines. Ce concept
de colline sacrée existe, selon lui, sous Andrianampoinimerina.
«La colline sacrée est un système d'interférence;
elle est en même temps projection et essence de la souveraineté».
En effet, rendue sacrée une colline voit s'édifier
la «Tranomasina» ou la «Tranomanara» si
le tombeau n'en porte pas encore et comporte la pierre où
le sacrifice du «ombivolavita» se fait lors du «Fandroana»
et bien d'autres objets de vénération. «Faveur
royale, disaient les habitants car sujets directs du roi, lieu
sacré... mais il y a là aussi une attitude intéressée
adoptée avec une arrière-pensée de la part
du roi».
Bruno Razafindrakoto-Hasina donne l'exemple de
Kaloy qui serait plutôt une colline d'exil qu'une colline
sacrée: «Ralainanahary et Ramanantenasoa seront tenus
de respecter et de faire respecter la souveraineté par
l'observation des pratiques». À rappeler que Ralainanahary,
fils qu'Andrianampoinimerina a avec Rabodo, et Ramanantenasoa,
une de ses douze épouses, sont compromis dans un complot
dirigé contre le roi.
Une colline sacrée acquiert aussi le «hasina»
(caractère sacré, saint), «symbole du pouvoir
royal et du charisme du souverain», du fait qu'elle abrite
en son sein les restes d'un ancêtre royal reconnu.
Toujours d'après l'auteur, le roi obtient la souveraineté
de deux manières différentes mais conjuguées.
Pendant sa première sortie officielle sur la pierre sacrée,
le futur roi se proclame héritier des Douze qui ont régné.
«Ensuite, il revêt le caractère sacré,
divin par émanation d'une "effluve magico-religieuse»
du Vatomasina" (Louis Michel).
Ce «hasina» se concrétise par le serment d'allégeance
des hauts dignitaires andriana et hova «en gage de soumission
et de reconnaissance du caractère divin du roi»,
et par le «hasina» proprement dit, la piastre non
coupée.
Le «hasina» a aussi un caractère politique.
Andrianampoinimerina sait relever la dignité royale que
plusieurs de ses prédécesseurs ont avili par leurs
dissensions sinon leurs injustices. «Le roi doit être
dévoué au peuple, plein d'humanité et de
clémence, juste et impartial. De son côté,
le peuple l'accepte comme maître absolu des personnes, des
biens et des terres».
La souveraineté du roi se matérialise par l'offrande
des «hasina» (piastre non coupée, culotte d'un
bœuf abattu ou sacrifié) à différents
évènements: le «prix de la vie» d'un
condamné, la circoncision d'un fils du roi, l'affranchissement
d'un esclave, l'impôt sur la terre... Cela aboutira finalement
au culte des ancêtres. «En recrudescence vers l'aube
de l'Indépendance, celui-ci s'attire une clientèle
de toutes les couches sociales. Et ce culte observe à peu
de chose près les rites d'antan», conclu Bruno Razafindrakoto-Hasina.
Pela Ravalitera du journal l' Express
|