L'ESCLAVAGE:Une véritable institution
L'esclavage, sous la royauté, est une véritable institution.
Le «modernisme», introduit à partir du règne
de Radama I, n'a aucune prise sur les usages et les coutumes. Le marché
aux esclaves d'Anjoma, à Antaninarenina, et son annexe d'Analakely
sont très achalandés.
C'est en vain que les missionnaires prêchent en chaire, exhortent,
menacent. «La population fait la sourde oreille, quand elle ne se
livre pas à des manifestations tumulteuses» (Revue de Madagascar,
spécial Tananarive, 1952). Du genre de celle qui retentit dans
le temple d'Ampamarinana, lors d'un prêche anti-esclavagiste du
Rev. Standing, en 1892.
Pourtant les codes, publiés par le gouvernement royal, condamnent
formellement la traite et implicitement l'esclavage. Cependant, Alfred
Grandidier, en 1869, déclare que les deux tiers de la population
tananarivienne, 50 à 60 000 personnes, sont des esclaves. En 1895,
plus de la moitié des habitants de l'Imerina est de condition servile.
Jusqu'à la fin du règne d'Andrianampoinimerina, en 1810,
le seul commerce extérieur de l'Ile se résume à la
traite des esclaves. C'est de ce trafic humain que le souverain, les nobles
et les commerçants hova tirent leurs ressources en devises, évaluées
en piastres d'argent.
Hormis les esclaves de case ou domestiques, la masse exportable est surtout
faite de prisonniers de guerre, de délinquants de droit commun
ou de criminels politiques. Tous les moyens sont bons pour s'en procurer.
Ainsi, des expéditions sont menées contre les villages ennemis
ou rebelles, à la fin desquelles les personnes en état de
marche sont acheminées jusqu'à la côte, liés
les uns aux autres.
Les prisonniers qui en sont incapables, les infirmes, les femmes ayant
perdu leurs charmes, les enfants vacillants sont souvent abandonnés
à leur sort, voire tués sans pitié.
«Les tractations fréquentes et nombreuses portaient chaque
année sur plusieurs milliers d'individus, sous réserve de
l'acquittement d'un droit de deux piastres et demie par tête au
profit du trésor royal. La prospérité du vieil Antananarivo
fut, pour cette raison, scellée de larmes et de sang. Ceci dura
jusqu'à ce que l'exportation du bétail ait supplanté
celle de l'homme».
La traite des esclaves est condamnée en 1814 par le Congrès
de Vienne. Et c'est pour lui demander l'abolition de ce commerce que James
Hastie, devenu pour les besoins de la cause agent consulaire du gouvernement
de Maurice, se présente au roi Radama, le 17 juillet 1817.
«Pour ne pas être signalé aux princes européens
comme ennemi de la civilisation», le souverain consent à
supprimer «l'exportation» des esclaves, le 11 octobre 1820.
Il obtient, en contrepartie, des avantages en nature sous forme de produits
européens et en espèces (Equivalent). En outre, 20 jeunes
gens parmi les fils des grands, reçoivent instruction et formation
technique à Londres ou à Port-Louis (Maurice).
A la mort prématurée de Radama, en 1828, Ranavalona 1ère,
son épouse, hérite du pouvoir. Sous la pression des conservateurs
de la Cour, des devins et des sorciers, inquiets des progrès de
la civilisation et du christianisme, elle adopte, après ses premières
années de règne, «une attitude hostile aux Européens
et à leurs innovations. Il lui semble que leur fréquentation
et leurs apports lui rendent ses sujets déloyaux».
En premier lieu, pour rompre avec les décisions de son mari défunt-
qu'elle juge «incompatibles avec le respect dû aux bonnes
traditions»- elle tolère et même favorise le commerce
des esclaves. La traite reprend de plus belle grâce aux débouchés
offerts par les marchés de l'Inde, de l'Amérique et des
Mascareignes (La Réunion, Maurice, Rodrigues).
«Si les marchés se tiennent généralement sur
les côtes, Antananarivo n'en est pas moins un centre de transit
et un lieu où se négocient les autorisations administratives».
Ch. Robequain («Une capitale montagnarde en pays tropical: Tananarive»),
écrit en 1949 : «Le Rova apparaît alors comme un nid
de rapaces, de grands marchands d'esclaves au service de la culture et
de l'industrie sucrière».
Ce commerce ne sera réprimé qu'au moment de la conquête
française. Une des premières décisions prises par
Joseph Gallieni, est d'abolir l'esclavage. «La monarchie merina
n'aurait pas été aussi facilement supprimée qu'elle
le fut par Gallieni, si elle n'avait pas été entièrement
sapée et rongée par le double cancer de la corvée
et de l'esclavage. Pour la plupart des habitants d'Antananarivo, la conquête
française fut vraiment une libération».
La traite fleurit sur les côtes
Aussi loin que s'étendent les connaissances sur Madagascar, il
y fleurit une sorte de commerce très spécial, qui consiste
à troquer des esclaves contre des marchandises apportées
par les négociants. Un trafic important se voit, tant sur la côte
Ouest que sur le littoral Est, fréquentés par les Arabes
et les Européens.
Il existe, d'ailleurs, un double courant, ce qui explique la présence
à Madagascar d'éléments africains d'arrivée
récente, tels les Makoa. Ils sont importés, mais leur nombre
n'est pas très important, sauf peut-être sur la côte
Nord-ouest, où ils sont connus sous le nom de Mozambiques, «allusion
très nette à leur origine africaine».
Jusqu'aux dernières années du 18e siècle, la traite
ne devra toucher que les régions côtières, seules
en contact avec l'étranger et les seules à être arrivées
à un certain degré d'organisation.
«Le pays merina, encore divisé en plusieurs principautés
et n'ayant aucun accès avec la mer, n'aurait pu y participer qu'en
utilisant des intermédiaires, malgaches ou européens. Or,
il a fallu attendre 1777 pour qu'un Européen, le Français
Mayeur, pénétrât en Imerina. Antananarivo même
ne fut atteinte qu'en 1808, par Hugon» (Jean Valette, archiviste-paléographe).
Pela Ravalitera Journal Express |