Une technique parfaite témoignée
par les « tamboho »
Si, au début du XIXe siècle, le bois rare et précieux
est le matériau de construction réservé aux
classes riches et nobles, dans la société merina
en milieu rural, l’habitat traditionnel est pour les classes
sociales les plus pauvres, Il est en terre et recouvert de chaume
ou feuilles de roseau pour la toiture. « Si l’orientation
et la construction répondent aux même rites propitiatoires
que les maisons de bois, elles font l’objet de mille attentions
quant à l’orientation, l’implantation et le
choix des matériaux» (Jean-Pierre Testa de l’École
nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, 1971).
La terre utilisée est une argile latéritique d’une
extrême finesse et de très bonne compacité.
Elle est choisie avec beaucoup de soin, humidifiée et malaxée
à pied d’homme ou avec l’aide de bœufs
dans une fosse, jusqu’à l’obtention d’une
pâte qui répond à des qualités parfaites
de plasticité et de compacité.
Elle est menée sur le périmètre de la construction
par blocs que le maçon façonne en un cordon continu
de 40cm de haut et de 30 à 50cm d’épaisseur,
en fonction de l’importance de la bâtisse. Le maçon
n’entreprend l’assise suivante qu’après
la fin et le séchage de la précédente. Ce
type de mise en œuvre continue a pour effet de constituer
une véritable poterie introduisant certaines contraintes
favorables à la stabilité. Les murs sont ensuite
enduits d’une pâte plus plastique garantissant une
protection, et selon les argiles utilisées, la couleur
de la maison peut aller d’un ocre très clair au rouge
brun vif. « Un fouettage de mur à l’aide d’herbes
chargées de sève, provoque la formation d’une
véritable pellicule assurant la protection contre le ruissellement,
principal facteur de dégradation. » C’est aussi
la méthode
utilisée pour les murs d’enceinte (tamboho) des fermes,
des riches résidences et des remparts vieux de centaines
d’années qui, aujourd’hui encore, « témoignent
de la perfection de cette
technique ».
Les premières constructions de bois apparaissent dès
l’arrivée des Européens en Imerina. Les souverains
et riches notables ont à cœur de construire de beaux
palais et de belles maisons de bois, symbole de leur puissance.
C’est l’entrepreneur français Louis Gros qui,
le premier, construit le premier palais de bois à étage
et à véranda pour Radama Ier (1810-1828). Dès
sa construction, de par sa forme, le palais prend le nom de «
Telo Tafo » (trois toits). D’autres Européens
participent à son embellissement, en donnant des conseils
pour le jardin et les espèces à planter. L’apparition
de la véranda attribuée par erreur à Cameron,
aurait certainement été introduite par Louis Gros.
L’Anglais aurait repris ce thème pour l’adapter
aux maisons de briques plus modestes.
Dans le Rova d’Antananarivo aussi, Louis Gros construit
une maison en bois et véranda qui prend le nom de «
Tranovola » (maison d’argent) en raison de clochettes
et motifs d’argent le décorant. Ce palais est édifié
pour Rasalimo, l’épouse sakalava du roi. Il sera
reconstruit sous Ranavalona Ire pour son fils Rakoto. Selon
l’étude de Jean-Pierre Testa, à la mort de
Radama Ier, « Tananarive possède déjà
trois ou quatre maisons de bois à étage et véranda.
Mais ce début bien modeste de l’habitat à
étage, va se poursuivre… » La pierre est déjà
employée sous Radama, mais uniquement pour les soubassements,
et la brique fait son apparition pour la première fois,
dans la capitale où elle est employée à Soanierana…
Sous Ranavalona Ire (1828-1861), le Français Jean Laborde
bâtira pour la reine un Palais de bois aux dimensions imposantes,
le pilier central ayant une hauteur de 39-40 mètres. Manjakamiadana
existe toujours, dissimulé sous une carapace de pierre.
« Ce nouveau palais de bois, commencé vers 1840 et
inauguré en 1847, fera l’étonnement des voyageurs
européens venant en Imerina. Avec ses trois étages,
il dominera de ses 125 pieds
(48 mètres) les collines de l’Imerina. Quoique bâti
par Jean Laborde et renforcé par Cameron, il n’en
est pas moins placé sous les chiffres que les Malgaches
considèrent comme bénéfiques. »
Il sera suivi peu de temps après, de celui de Rainiharo,
le Palais du Premier ministre d’Andafiavaratra, qui est
à peine plus modeste, ne comportant toutefois que deux
étages pour des raisons de préséance. «
La pierre ne continue à être employée que
pour les dallages de sols, les soubassements et les entrées
du Rova et du Palais de Rainiharo qui sera démoli vers
1870. » Les bâtiments royaux commenceront à
se couvrir d’ardoises provenant du pays betsileo.
Une autre révolution dans l’art de bâtir se
produira sous ce régime. Si les vivants n’ont droit
qu’au bois depuis toujours, les morts, eux, ont droit à
la pierre. Mais de brute qu’elle est, elle se fera dentelle,
arches, piliers, et de sous terre qu’ils sont, les tombeaux
ressortent du sol.
Avec le règne de Radama II (1861-1863), apparaissent les
premiers édifices cultuels à Antananarivo, la pierre
et la brique se font plus nombreuses. « Le roi a fait construire,
à Ambohimitsimbina, une maison de pierre dont il est
fort fier, mais cette maison sera détruite après
sa mort. »
Sous Rasoherina, le Rova s’enrichit d’un palais en
bois qui sera le dernier construit avec ce matériau dans
l’enceinte royale. Il est d’un style composite anglais
à colonnes qui, elles aussi, sont en bois. Il ne comporte
qu’un étage.
« Si en ville, le bois est le seul à être admis,
en banlieue et juste sous les murs de la ville, les premiers édifices
cultuels se terminent et les maisons sont de plus en plus nombreuses
à être construites en brique ou en terre. »
Pela Ravalitera |