VAZIMBA MYTHE OU REALITE?
Jusqu 'à ce jour, personne n'a pu dire "exactement"
ce qu'il en était de l'origine des vazimba. Toutefois,
l'ensemble des données historiques, archéologiques,
ethnographiques et linguistiques ont quand même permis d'
avancer de plusieurs pas dans ce domaine.
Les Vazimba qui passionnent, intriguent ou rassurent public et
spécialistes ont été l' objet de nombreuses
spéculations, tenant en grande partie à l' apparence
qu' on leur prêtait", analyse Jean-Pierre Domenichini,
historien et chercheur.
Vision populaire
Les croyances populaires définissent les vazimba comme
étant des personnages mystérieux ayant vécu
dans le pays merina (sur les Hauts plateaux) à une époque
très lointaine. Mystérieux, dans la mesure où
ils suscitaient chez les Malgaches aussi bien de la crainte que
du respect. La crédulité et la superstition qu 'ilséprouvent
transforment les vazimba en êtres hors du commun et déconcertants,
en forces invisibles, et parfois méchants, pouvant hanter
une source, une rivière, un rocher, un bosquet ou un vallon.
Dans l' imagerie populaire, le vazimba est un être de petite
taille, à la peau cuivrée, au visage allongé,
aux lèvres larges et pendantes cachant de très longues
dents, auxquels s' ajoute un front aplati. Le tout réuni
lui donne un aspect très laid et répugnant jusqu'à
inspirer une peur viscérale. Les femmes vazimba, eu égard
à leurs longs cheveux, sont souvent confondues avec les
"Kalanoro" et les « Zazavavindrano » (sirènes).
A part ces qualificatifs péjoratifs, on lui attribue également
un caractère désagréable. Comparativement,
on lui prêterait, sans doute, l'aspect et les attributs
du gnome de la légende celte ou du petit monstre malicieux
et diabolique du film « Le seigneur des anneaux ».
Ces petits hommes de vazimba évitaient, paraît-il,
tout objet ayant contact avec le sel. Il est interdit d'apporter
de l'ail ou de la viande de porc sur leurs tombes et dans les
environs. On affirme que leur niveau de culture était assez
limité. Ils étaient, semble-t-il, loin de maîtriser
la métallurgie et auraient fabriqué des armes avec
de l'argile et des roseaux. De même, ils ignoreraient le
fait que la viande de « jamoka », zébu, était
consommable, ils laissaient donc traîner le bétail
dans les champs.
En fin de compte et en raison de ces précédentes
hypothèses, l'image du vazimba se trouve encore plus ternie
de par sa présupposée ignorance.
Selon la tradition orale malgache, la période vazimba (faha vazimba)
se situait avant l'élargissement du royaume d'Alasora par
le Roi Andriamanelo (1540-1575). A l'époque, les vazimba
étaient les propriétaires de l'actuelle région
de l'Imerina. Ils ne savaient pas s'unir dans un seul royaume.
Ils rendaient donc plus facile à Andriamanelo la tâche
de conquérir et d'occuper le territoire, et ce d'autant
plus que ce dernier était déjà habile à
concevoir des armes en métaux. Le « royaume »
vazimba s'affaiblit. Ralambo et Andrianjaka poursuivaient la mission
de leur prédécesseur Andriamanelo. Plusieurs vazimba
furent tués, d'autres s'enfuirent dans la partie ouest
de l'île. Le reste a rendu les armes et a cédé
le « royaume » vazimba. Ce ne fut que sous le règne
d'Andrianjaka (1610 -1630) que les derniers vazimba quittèrent
le pays.
Le Pr Rafolo Andrianaivoarivony, archéologue, chef du département
de civilisation à l'Université d'Antananarivo, a
aussi sa vision du « vazimba »
Le terme vazimba est un nom attribué à un ensemble
de cette population qui formait les premiers Malgaches. En d'autres
termes, sont appelés vazimba ceux qui ont décidé
de vivre à Madagascar aux environs du XVème siècle.Voir
aussi l'article Antehiroka et Royauté Vazimba
Au fil de l'histoire
Dans l'histoire de Madagascar, on distingue, dit-il, deux vagues
de peuplement. La première est celle du peuplement des
vazimba ou protomalgaches, et la seconde, celle du peuplement
du nouveau Malgache. Ces deux vagues parlaient la même langue
et avaient les mêmes cultures et civilisation. En décortiquant
le terme vazimba, on obtient le préfixe « va »
qui signifie peuple. Les vazimba ne sont donc autre que le peuple
qui nous a précédés.
« Ils sont comme nous. Il s'agit de la première population
de Madagascar ». Les études archéologiques,
anthropologiques historiques et linguistiques démontrent
que ce sont des Indonésiens et des Africains mélangés
jusqu'à preuve du contraire. Car il n'existe pas de préhistoire
pour Madagascar. L'homme est venu ici par bateau et par embarcation.
En outre, l'histoire de la Grande Ile est étayée
par la lutte contre cette population vazimba. Andriamanelo, durant
son règne, ne supportait plus de vivre au milieu des divers
royaumes vazimba qui envahissaient les hautes terres. Il les chassait
et les expulsait vers l'ouest. Mais comme ces royaumes ne disparaissaient
pas pour autant, alors, Ralambo, le fils d'Andriamanelo, et Andrianjaka,
son petit-fils, poursuivaient cette « mission ». Le
règne de ces derniers vit enfin la destruction totale des
royaumes vazimba.
Entre temps, des vazimba s'étaient confondus avec la population.
Andriamanelo, lui-même, serait le fruit d'un mariage mixte
car sa mère Rafohy ainsi que sa grand-mère Rangita
étaient des vazimba.
Parmi les plus connus
des vazimba de l'Imerina, on citera Ranoro, vazimba sainte (Ranoromasina).
Elle était, selon la tradition orale, une femme normalement constituée,
qui fut ensuite possédée par le vazimba et se jeta au fond
d'une source. A partir du moment où on ne la vit plus, Rabodonandrianampoinimerina
et le peuple, surtout celui d'Antehiroka, priaient près de la source
dans laquelle elle avait plongé et y effectuaient plusieurs rites.
De son côté, Andriambodilova, le mari de Ranoro, fut expulsé
à Ambohimanarina par le Roi Andrianjaka. C'est l'origine des Antehiroka.
Il est surprenant de constater que les vazimba aient été
durement maltraités alors que, par ailleurs, ils font actuellement
l'objet de crainte et de respect, sinon considérés comme
sacrés. Ne serait-ce pas en raison du "remord" ?
Une origine polynésienne
Il existe plusieurs versions sur le vazimba, chaque chercheur ayant élaboré
sa propre analyse.
Jean-Pierre Domenichini avance que le concept vazimba ne désignant
pas une race aurait défini tout individu, toute société
qui n'a pas dépassé un certain niveau technique caractérisé
par l'absence de la connaissance de la métallurgie, de la riziculture
et de certaines pratiques d'élevage, et par la suite tout individu
ou groupe vazimba ayant réalisé cette révolution
technique, deviendrait par ce fait même merina.
Pour sa part, Gilberte Ralaimihoatra affirme que cette population vazimba
aurait une origine polynésienne et indonésienne. Elle est
caractérisée par ses origines cosmopolites, sa peau claire
et ses cheveux lisses. Elle est également réputée
pour son dévouement et son habileté d'esprit. Son histoire
en tant que telle a subi par la suite une dépréciation grandissante,
à un tel point qu'elle n'est plus actuellement que mythe et légende.
Dans le temps, les vazimba auraient traversé le Betsiboka, l'Ikopa,
le Mangoro, le Sakay, l'Onive pour enfin s'installer sur les hautes terres
où ils ont pu pleinement jouir de la période vazimba, durant
trois cents ans.
Nos ancêtres les vazimba ?
Edouard Ralaimihoatra, quant à lui, dans son ouvrage « Histoire
de Madagascar » (article intitulé : Les Primitifs malgaches
ou Vazimba) s'est plutôt préoccupé de l'origine de
la population primitive malgache. « On peut douter de l'homogénéité
complète des Primitifs malgaches au point de vue ethnique. Néanmoins,
l'élément indonésien formait le plus gros d'entre
eux. Il a apporté dans l'île le fond de la langue malgache
et des techniques d'origine indonésienne pirogues à balanciers,
rizières inondées, cases en bois équarris ou en branchage
construites sur pilotis, villages édifiés sur les hauteurs
entourés de fossés, etc. Ce fond a reçu des apports
résultant d'échanges humains entre l'Afrique et Madagascar,
grâce à la navigation arabe entre les côtes de l'Arabie,
de l'Afrique orientale et de la Grande Ile.
Est-ce à dire que le vazimba n'est autre que le primitif malgache
? En d'autres termes, ne pourrait-on pas spéculer sur une hypothèse
comportant un brin d'esprit, mais somme toute, plausible : nos ancêtres
les vazimba ?
Les recherches en cours ne manqueront certainement pas d'apporter plus
de précisions. Entre temps, les tombeaux et les lieux rattachés
aux vazimba sont devenus des lieux de culte, avec leurs règles
et interdits. Les enfreindre ou les bafouer attireraient colères
et malédictions.
Paradoxalement, à tort ou à raison, les vazimba sont en
même temps dénigrés et respectés.
« La nature humaine est telle que l'homme cherche si souvent à
se rattacher à l'imaginaire sous ses divers aspects pour s'assurer
plutôt vie que survie ».
Sandra Razafimahazo
Revue de l'Océan Indien
voir aussi les articles
Antehiroka
et Royauté Vazimba
Origine
confuse des Vazimba du Betsiriry
Les
Bezanozano, une des premières souches des Vazimba
En Imerina, des vazimba aux Andriana
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